Comment des patrons gèrent l'exclusion dans leur entreprise

Devant la montée de l'exclusion en France, des entreprises s'efforcent de modifier leur mode de gestion pour privilégier l'emploi, sans pour autant remettre en cause leur exigence de compétitivité. Tel est l'enseignement d'une enquête menée par l'Anact (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail), sous la houlette de Jean-Baptiste de Foucauld, ancien commissaire au Plan, auprès de dirigeants de grandes entreprises, signataires, en 1992, du manifeste « Entreprises contre l'Exclusion ». Au point de départ de cette démarche, une constatation : « Le social a été liquidé par le rouleau-compresseur du marché, explique Jean-Baptiste de Foucauld. Le travail, qui était intégrateur, est devenu sélectif. Les problèmes d'exclusion sont devenus aussi importants aujourd'hui que le fut la question ouvrière dans la société d'hier. Il faut reconstruire quelque chose, à partir d'une démarche culturelle globale. » Pour l'ancien commissaire au Plan, le phénomène de l'exclusion est beaucoup plus dramatique que celui de l'exploitation. « Un rapport social existe dans l'exploitation. Existant, il peut être corrigé en luttant, collectivement contre un ennemi commun. Le drame de l'exclusion, c'est l'absence de rapport social. Pas d'ennemi, pas de mot d'ordre. C'est un mouvement qui ne s'autorégule pas.» « Pour passer de la culpabilité à la responsabilité » Signataires du Manifeste de 1992, des dirigeants de grandes entreprises françaises tentent de mettre en oeuvre une nouvelle gestion qui intègre la lutte contre le chômage et l'exclusion dans le fonctionnement global de l'entreprise. « Pour passer de la culpabilité à la respnsabilité », précise l'un d'entre eux. Plusieurs pistes sont explorées, notamment une nouvelle approche des investissements de productivité. Par exemple, Francis Mer, le PDG d'Usinor-Sacilor, a introduit une obligation de prise en compte de coûts de reclassement dans les calculs de rentabilité des investissements de productivité. Réflexion aussi sur la gestion économique du travail. Des procédures d'évaluation ont été mises en place sur ce que le travail produit et non plus seulement sur ce qu'il coûte. « Il a été possible d'argumenter sur la non-fermeture d'une usine en montrant, qu'à coûts constants, on pouvait produire une valeur supérieure en gagnant sur le délai et la qualité », explique Jean-Marc Devaud, directeur de la formation du groupe Pechiney. Certaines entreprises modifient leurs critères d'évaluation des cadres supérieurs. Ainsi, le groupe Danone a décidé de responsabiliser les « producteurs » aux reclassements des salariés en imputant les coûts de reclassement sur les résultats des gestionnaires qui prennent des décisions de suppressions d'emplois. Parfois, les dirigeants prennent personnellement les décisions. Le PDG de Potain a décidé de renoncer à des investissements de productivité qui entraînaient des suppressions nettes d'emplois. Le président de Strafor-Facom interdit aux gestionnaires de licencier des personnes de plus de quarante-cinq ans, « ce qui les mène tout droit à l'exclusion ». DELPHINE GIRARD
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