Guerre de l'eau en Espagne

Affligée par une sévère sécheresse et par une vague meurtrière d'incendies (dont l'un a coûté la vie, dimanche, à onze pompiers), l'Espagne est de nouveau la proie d'une bataille fratricide : celle de l'eau, qui oppose entre elles ses régions. Au centre de la polémique : le transfert du précieux liquide depuis la désertique Castille-Manche vers Murcie et sa riche huerta.Depuis la fin des années 1960, un système de canalisation de 300 kilomètres relie en effet la vallée du Tage, au sud de Madrid, où ont été construits divers barrages, à celle du Segura, dans le sud-est méditerranéen, siège par excellence des cultures par irrigation. Chaque année, il appartient au gouvernement de déterminer le volume à transférer, une décision délicate lorsque l'eau vient à manquer, comme c'est le cas : l'année hydrologique qui a commencé en octobre est l'une des plus pauvres depuis 1912. Alors que le gouvernement régional de Murcie réclamait un transfert de 120 hectomètres cubes, celui de Castille-Manche se refusait à en libérer plus de 30. Le gouvernement de Madrid a tranché avec un jugement de Salomon : 82 hectomètres cubes, dont 39 destinés à l'approvisionnement urbain et le reste à l'irrigation.Désertification. La décision a provoqué l'ire des deux parties : les 70.000 agriculteurs du sud de la région de Murcie assurent qu'un tel volume est totalement insuffisant pour sauver leurs arbres fruitiers, déjà exsangues, et augurent la mort économique de la zone. Les Castillans, au contraire, assurent que leur région, déjà déshéritée, se voit ainsi privée d'une ressource qui commence à leur manquer tragiquement. Et tant les partis politiques que les syndicats, face à la bataille, se sont divisés entre leurs fédérations régionales respectives. La polémique a en tout cas relancé le débat sur l'usage de l'eau en Espagne, pays où sa pénurie est récurrente et où le processus de désertification menace. Durant ces dix dernières années ont été installés 350.000 hectares supplémentaires d'agriculture irriguée. Rien d'étonnant, dans ces conditions, si la demande d'eau augmente chaque année de 13 % face à une offre qui reste pratiquement inchangée. Et si la ministre de l'Environnement, Cristina Narbona, a évoqué à plusieurs reprises la nécessité de modifier la traditionnelle politique laxiste dans ce domaine, en rapprochant progressivement le prix de l'eau de son coût réel, elle a dû finalement battre en retraite face aux protestations du secteur agricole.Thierry Maliniak, à Madrid
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