La "révolution orange" ukrainienne cherche le soutien de Paris

Les héros de la "révolution orange" ukrainienne sont fatigués. Un an ou presque après la victoire pacifique de la démocratie à Kiev, et alors que le concept fait tache d'huile en Ouzbékistan, la question de la réversibilité du processus est désormais posée. Au terme d'une année de réformes menées tambour battant, la bouillante Iulia Tymochenko, la jeune femme à la couronne de tresses blondes, a dû céder la place en septembre à Iouri Yekhanourov, un Pre- mier ministre gestionnaire plus anonyme.Économie en panne. Avec une croissance passée de 12,1 % en 2004 à 3,7 % seulement pour les sept premiers mois de l'année, l'économie ukrainienne est quasiment en panne, essentiellement pour des raisons politiques : les milieux d'affaires ont très mal pris la volonté de Tymochenko de réaliser 3.000 "reprivatisations". Depuis le succès des enchères sur l'aciériste Krivorijstal, remportés par l'indien Mittal contre Arcelor pour un prix de 4,8 milliards de dollars (six fois supérieur à la vente initiale), le pouvoir a rabattu la voilure et ne parle plus que d'une trentaine de "second tour" de privatisations. Une façon de rassurer ce que l'on appelle à Kiev le "business", en particulier les intérêts économiques puissants de l'est du pays.C'est dans ce contexte que le président Viktor Iouchtchenko effectue aujourd'hui et demain une visite d'Etat en France. Préparée vendredi par un voyage du ministre des Affaires étrangères à Kiev, cette visite est importante à un moment où l'Ukraine cherche à crédibiliser son ambition euro-atlantiste. Tout en rappelant que les Français avaient exprimé le 29 mai dernier leurs inquiétudes face à "un élargissement trop rapide", Philippe Douste-Blazy, qui a rencontré le président ukrainien, a soutenu les réformes en cours. Encore peu présente en Ukraine, la France espère beaucoup dans le décollage de ce pays, notamment dans le secteur énergétique. L'Union européenne a fait un premier geste en estimant que Kiev remplit désormais les "critères techniques" pour obtenir le statut d'économie de marché. Reste aux États-Unis à confirmer, alors que l'Ukraine, classée 144e sur le classement Doing Business de la Banque mondiale, demeure gangrenée par une corruption endémique.Recherche d'alliés. Pour marquer son indépendance à l'égard de Moscou, Kiev veut intégrer à la fois l'Otan, l'Union européenne et l'OMC et se cherche des alliés face à la Russie qui menace de lui vendre son gaz au prix mondial, alors que l'Ukraine bénéficiait jusqu'ici d'une énergie très bon marché. Politiquement, le sort de la "révolution orange" se jouera en mars prochain, à l'issue de nouvelles élections législatives à la proportionnelle intégrale qui détermineront le choix du prochain Premier ministre. Entre le retour de Iulia Tymochenko, icône populaire et populiste de la révolution, qui semble s'être assagie, ou la réconciliation symbolisée par le rapprochement des deux anciens ennemis, Iouchtchenko-Ianoukovitch, les Ukrainiens sont devant un choix cornélien.Philippe Mabille, envoyé spécial à Kiev
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