Les grands groupes chinois commencent à se fournir localement

Lorsqu'il a le premier forgé le concept du " vol d'oies sauvages " dans les années 1930 pour décrire le processus de développement des pays d'Asie, l'économiste et philosophe Kaname Akamatsu n'imaginait sans doute pas à quel point son modèle s'avérerait pertinent. Fondé sur la substitution aux importations, puis sur la promotion des exportations, ce modèle a aidé le Japon à se développer en remontant les filières. L'une après l'autre, d'autres économies de la région ont emboîté le pas du Japon à partir des années 1950 pour passer peu à peu des activités industrielles à faible valeur ajoutée et basées sur une main-d'oeuvre bon marché à d'autres technologiquement plus riches. À son tour, la Chine a rejoint le vol, façonnant ainsi une division régionale du travail dont elle est devenue le moteur et faisant de quelques grands groupes les fers de lance de son expansion internationale. Après vingt ans de réformes économiques et de croissance accélérée, Pékin veut rejoindre les pays technologiquement innovants et tourner la page des industries de base.Les autorités se sont résolues à " lancer les entreprises d'État dans la course à l'internationalisation ", explique une étude de HEC Eurasia Institute. Des groupes comme Huawei, Lenovo, ZTE, TCL ont déjà commencé à faire parler d'eux. Grâce à ses " champions nationaux ", Pékin compte acquérir les technologies innovantes, les capacités de R&D, les marques, les réseaux de distribution et les compétences managériales qui lui font aujourd'hui cruellement défaut." Un nombre croissant d'entreprises privées sont dans les starting-blocks ", notamment dans les hautes technologies et l'Internet, commente HEC Eurasia. Mais pour sortir de son rôle d'" atelier d'assemblage " de produits finis conçus ailleurs, la Chine sait qu'elle doit faire preuve de plus de volontarisme que ses voisins. Contrairement au Japon ou à la Corée, Pékin sait ne pas pouvoir compter sur les États-Unis qui ont joué un rôle clé comme " bailleur de fonds essentiel pour la reconstruction et le décollage " de ces nations auxquelles ils ont aussi transféré leurs technologies et ouvert leur marché, explique l'historien Gérard Vindt. Pour rattraper leur retard technologique et réduire leurs coûts, les entreprises basées sur le sol chinois " cherchent à substituer à leurs importations des semi-produits fabriqués en Chine : dans l'habillement, les tissus chinois ont remplacé les tissus japonais, dans l'électronique les puces fabriquées par des filiales taiwanaises se substituent aux composants importés ", observe Jean-Luc Chaponnière, économiste à l'Agence française de développement (AFD).MARCHE FORCEEDans une étude datant de décembre, le Crédit Agricole souligne que depuis 2002 les exportations chinoises de biens intermédiaires électroniques et autres composants ont été multipliées par sept, faisant de la Chine un concurrent potentiel des pays asiatiques exportateurs de ces biens. Reste à savoir si cette marche forcée pour le rapatriement de la valeur ajoutée sera ou non compatible avec l'harmonie au sein du vol d'oies sauvages.
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