Espagne : médiation obligatoire avant toute grève

Les conflits du travail, et notamment les grèves, seront désormais soumis en Espagne à une médiation préalable : tel est l'axe du pré-accord auquel viennent de parvenir, après un an de négociations, la confédération patronale CEDE et les deux grandes centrales syndicales, l'UGT (Union générale des travailleurs [communiste]) et les Commissions ouvrières (socialiste). Le texte, une fois mises au point les dernières retouches, doit être ratifié par les directions de ces trois organisations dans le courant de ce mois. Le pré-accord prévoit que pour tous les conflits du travail résultant de la négociation collective, de la modification du statut des travailleurs ou « susceptibles de donner lieu à la convocation d'une grève dépassant le cadre d'une seule communauté autonome », les parties signataires désigneront de commun accord un médiateur qui disposera d'un délai de dix jours pour formuler des propositions destinées à résoudre le contentieux. La médiation ne se transformera toutefois en arbitrage, c'est-à-dire en une procédure de conciliation qui oblige les parties, que si celles-ci en décident de la sorte. Malgré cette limitation, le recours généralisé et préalable à la médiation n'en contribuera pas moins à décrisper le climat social et à réduire la forte « judiciarisation » des conflits du travail qui caractérise l'Espagne, où le recours aux tribunaux est systématique en ce domaine. Le pré-accord, qui vaut tout autant pour les problèmes liés aux revendications de salaires qu'aux conditions de travail, suppose un pari de modération de la part des interlocuteurs sociaux : des syndicats, d'une part, qui ne pourront brandir l'arme de la grève « à chaud » et devront la subordonner à une médiation destinée à calmer les esprits, et des patrons également, qui renoncent à modifier unilatéralement les conditions de travail de leurs salariés.Parmi les derniers points à régler figure notamment le mode du choix des experts chargés de mettre en oeuvre cette procédure de conciliation. Les négociateurs s'orientent vers un système de désignation de commun accord, permettant de former une espèce de « service de médiateurs et arbitres » qui fonctionnerait sous la tutelle du ministère du Travail. Celui-ci n'a pas participé directement aux négociations qui ont conduit au pré-accord, tout en réalisant un travail de conseil et d'appui. Les syndicats demandent maintenant que les pouvoirs publics s'engagent davantage et accordent au texte, une fois ratifié, le rang de disposition législative, ce qui le rendrait obligatoire non seulement pour les signataires mais aussi pour tous, y compris, par exemple, pour les petits syndicats plus radicaux qui seraient tentés de passer outre à la procédure de médiation Le ministère du Travail semble tout disposé à accepter cette requête et à donner ainsi un sceau officiel à un accord qui rappelle la « culture du consensus » qui avait marqué en Espagne les premières années de la transition vers la démocratie. Thierry Maliniak, à Madrid
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