Un gorbatchévien à la tête de la diplomatie russe

Boris Eltsine a tiré les leçons des dernières élections législatives qui ont vu un raz de marée conservateur. En désignant hier Evgueni Primakov pour succéder à Andreï Kozyrev au poste de ministre des Affaires étrangères, le chef de l'Etat russe a fait en sorte de caresser dans le sens du poil tous ceux qui, du nationaliste Jirinovski au communiste Ziouganov, dénoncent avec vigueur la complaisance de la diplomatie russe à l'égard des occidentaux. Car Evgueni Primakov, membre du Parti communiste de l'Union soviétique pendant plus de trente ans et dernier proche de Gorbatchev occupant encore une fonction politique, tranche singu- lièrement avec son flamboyant prédécesseur dont le style direct et le dynamisme symbolisaient une Russie nouvelle qui a désormais bien mauvaise presse. Directeur, depuis 1991, du service de renseignement extérieur issu du démantèlement du KGB, Primakov est au contraire un homme du secret beaucoup plus à l'aise dans l'étude des dossiers qu'au balcon des palais. Un homme prévisible qui n'agit pas à la légère Cette austérité apparente ne l'empêche pas d'être un habile négociateur. Et un spécialiste du Moyen-orient (outre l'anglais, il parle parfaitement l'arabe) qu'il a parcouru de nombreuses fois, dès les années 60, en tant qu'envoyé spécial de la Pravda. Au point que Mikhaïl Gorbatchev fit de lui, en 1990, son représentant personnel en Irak avec pour mission impossible d'amener Saddam Hussein à libérer les otages occidentaux qu'il retenait au Koweït et à composer avec les Etats-Unis. Peu avant, le numéro un soviétique l'avait dépêché en Azerbaïdjan afin de calmer l'agitation nationaliste. Un « pedigree » qui n'est pas spécialement rassurant pour Washington dont l'intérêt n'est pas de revoir la Russie mener une diplomatie active au Moyen-Orient et dans le tiers-monde en général. Cela dit, Evgueni Primakov est un homme prévisible qui n'agit pas à la légère. Le fait qu'il ait été l'un des instruments de l'ouverture diplomatique opérée par Mikhaïl Gorbatchev au nom de la glasnost et de la perestroïka est le gage qu'un bouleversement de la politique étrangère russe est improbable. D'abord, parce que cette dernière s'est déjà nettement durcie depuis plusieurs mois, notamment dans le cadre du conflit bosniaque ou en matière de relations avec l'Otan. En outre, Boris Eltsine a marqué sa volonté de contrôler beaucoup plus directement tout ce qui relève de l'action extérieure de son pays. Il vient en effet de mettre en place, à côté du Conseil de sécurité, dont Primakov était déjà membre, un nouveau « conseil de politique étrangère » réunissant autour du président le ministre titulaire ainsi que ses collègues de la Défense, du Commerce extérieur, des Finances et des Services de sécurité.
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