Dette maudite

Par latribune.fr  |   |  458  mots
Lagarde la colombe, Merkel le faucon? Les deux femmes les plus influentes en Europe viennent de faire deux déclarations strictement opposées sur la politique économique à mener pour sortir l'Europe de la récession. Dans la presse allemande, la ministre française a réclamé un « traitement spécial pour les dettes qui apparaissent comme conséquence de la crise ». En clair un nouvel assouplissement des règles du traité de Maastricht, déjà troué comme un gruyère. La France estime qu'il faudrait traiter séparément le « bon déficit », celui auquel nous a encouragé le FMI pour relancer la croissance, et le « mauvais déficit, celui qu'on traîne depuis 30 ans ». Cette idée ne peut que refléter la pensée intime du président de la République et risque de rallumer la controverse sur le respect de la discipline budgétaire en Europe. Nicolas Sarkozy est pourtant bien placé pour savoir que cette notion de « dette de crise » n'a aucun sens, lui qui a bien connu la précédente récession, celle de 1993, comme ministre du Budget. La dette publique avait alors enflé, passant de 40 % à près de 60 % de la richesse nationale, 20 points que l'on n'a jamais rattrapés depuis, même quand la croissance est revenue. La récession actuelle devrait produire, hélas, les mêmes effets, avec une dette publique française qui tutoiera la barre des 80 % du PIB fin 2010. La France est donc assez mal placée pour parler de déficits de crise, elle qui n'a jamais respecté en période de croissance la trajectoire de retour vers l'équilibre budgétaire auquel elle s'est pourtant engagée la main sur le c?ur. Comme en écho aux propos de Christine Lagarde, Angela Merkel a, de son côté, récusé tout relâchement de l'orthodoxie financière en Europe. Dans une critique inhabituelle et d'une rare violence contre les politiques monétaires « non conventionnelles » menée par la Réserve fédérale américaine et la Banque d'Angleterre, la chancelière allemande a volé au secours de la Bundesbank, qui résiste aux pressions internationales pour qu'elle se mette, justement, à acheter des obligations d'État, ce que l'on appelle « monétiser » la dette. Pour résumer, la France s'inquiète surtout de la déflation et cherche tous les moyens pour masquer son impéritie budgétaire. Le prochain avatar sera la manipulation comptable préparée par Éric Woerth pour avaler la dette de la sécurité sociale sans augmenter les impôts. Et l'Allemagne, comme de tradition, ne s'inquiète que de l'inflation, qui menace de sortir du tube de dentifrice lorsque la crise s'achèvera? pmabille@latribune.fr philippe mabille