Face à la crise financière, il est urgent d'attendre !

Le monde de la finance est en ce moment dans l'oeil du cyclone. Néanmoins, il est un compartiment où les affaires sont florissantes : c'est le département fusions-acquisitions. Les industries entrent les unes après les autres en phase de consolidation. Et la consolidation fait éclore les mandats de vente. Les affaires sont présentées comme étant l'opportunité de la décennie. Pour les acheteurs, le timing, comme le prix, semblent favorables. Comment résister ? Eh bien précisément, il faut, plus que jamais, résister, et savoir attendre.Nous sommes en début de phase de descente de cycle. Il s'est écoulé un an depuis les premiers signes de ralentissement. Il s'écoulera de même au moins un an entre les premiers signes avant-coureurs de reprise et la confirmation du redémarrage à la hausse. L'activité restera donc nécessairement mauvaise au moins jusqu'au premier semestre 2009. Les semestriels 2009 seront mauvais. Si des acquisitions sont à considérer, elles seront plus intéressantes dans un an. Et tant pis si un concurrent réalise, entre-temps, l'acquisition proposée. Il y a de fortes chances qu'il la paie trop cher et qu'elle soit moins séduisante qu'elle n'y paraissait. Les entreprises à la vente en début de cycle sont rarement les plus attractives. Elles font l'affaire du vendeur, rarement celle de l'acheteur.Choisir les synergies de croissance.En premier lieu, il faut, comme toujours, privilégier la croissance. La croissance crée toujours davantage de valeur que la consolidation. Il ne faut pas négliger les acquisitions. Mais celles-ci sont à privilégier dans les zones en forte croissance plutôt que dans les territoires mûrs. Il faut privilégier les synergies de croissance aux synergies de coûts. L'acquisition de sociétés dans des zones en croissance forte peut sembler coûteuse à court terme. Mais ces acquisitions sont pratiquement toujours créatrices de valeur. Enfin, elles permettent de prendre pied dans les zones d'où émergeront les concurrents mondiaux de demain. Il est urgent de s'y renforcer au plus vite.En second lieu, avant de chercher à racheter les concurrents, il faut se préoccuper des changements qui affectent profondément le modèle économique actuel. Air France-KLM a raison d'étudier les options qui lui permettraient de consolider son actif premier, la clientèle d'affaires. La compagnie franco-néerlandaise va, effectivement, jusqu'à envisager des partenariats avec le concurrent historique, le TGV. De même, France Télécom a raison d'évaluer des hypothèses qui lui permettraient de se renforcer massivement dans les contenus. Sur ce point, Google a clairement affiché ses intentions. La concurrence se fera demain sur le contenu. Comment s'y installer de la meilleure manière ?La croissance est la première priorité. La seconde est la maîtrise du modèle économique. Mais toujours en gardant en ligne de mire une autre priorité, la sécurisation du modèle économique. Travailler sur ces deux fronts est lourd d'efforts et d'investissements, tant financiers qu'humains. Ceci doit mobiliser la meilleure partie des ressources de l'entreprise. Rajouter une opération de consolidation sur des géographies où les restructurations sont des opérations généralement complexes est dangereux : il faut choisir. Ainsi, les papetiers finlandais ont annoncé exactement en haut de cycle qu'ils allaient s'engager sur le douloureux chemin de la restructuration des capacités européennes. La manoeuvre sera longue, difficile et coûteuse.Arrivée des nouveaux conquérants.Dans le même temps, les meilleurs concurrents chinois et brésiliens afficheront des croissances à deux chiffres, en caracolant sur des marchés en croissance forte. Qu'arrivera-t-il alors à nos Finlandais, fiers d'avoir optimisé leurs capacités, mais épuisés par leurs efforts, lorsque les nouveaux conquérants frapperont à la porte de l'Europe ? Certains de nos fleurons historiques ont suivi ce type d'exemple ou n'ont pas su afficher d'ambitions assez fortes. Ils ne font aujourd'hui plus partie du paysage.Notre CAC 40 est aujourd'hui peuplé d'acteurs qui ont su se qualifier et se hisser au niveau du championnat du monde. À des degrés divers, ils font tous face aux enjeux décrits ci-dessus. Et la tentation de la consolidation est forte. En apparence, on sécurise l'existant. On réduit la pression concurrentielle. Et on déroule des schémas de réduction de coûts épuisants mais balisés. La réponse est claire. Les opérations de consolidation servent la plupart du temps à optimiser les champs de bataille du passé. Si l'occasion est réellement trop belle, il faut en tout cas savoir attendre.Mais les priorités sont ailleurs. Il faut se déplacer là où se joueront les batailles du futur. Là où grandissent les concurrents de demain.(*) Vice-président d'Estin & Co.
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