Le musée parlant de

Par latribune.fr  |   |  478  mots
C'est le mot « cinéma » qui nous accueille dans l'exposition « Silences ». Rien d'étonnant lorsque l'on sait que son commissaire se nomme Marin Karmitz, producteur et créateur du réseau de salles MK2 (et récemment nommé par Nicolas Sarkozy à la tête du Conseil de création artistique). Ce « cinéma » s'étire en longueur, affublé de deux « i », trois « e » et deux « a ». Les lettres, formées à partir de peluches pour enfants, pendent au plafond et sont signées Annette Messager. Celle-ci fait partie des quinze artistes sélectionnés par Karmitz pour illustrer un tournant de l'art initié dans les années 1960, lorsque les « installations » apparurent et que les ?uvres se dotèrent de paroles, à travers le son, la vidéo ou l'écrit.À côté de ce « cinéma » suspendu se trouve une sculpture de Juan Muñoz. Un homme, bouche ouverte, dont on ne sait pas bien s'il rit ou s'il hurle d'horreur. Astucieusement, son ombre se mêle à celle de l'?uvre précédente donnant l'impression qu'il nous crie à la figure ce « ciineeemaa » tonitruant. Cette interaction judicieuse entre deux ?uvres sera la seule. Car le visiteur est ensuite plongé dans un labyrinthe exigu aux murs gigantesques qui évoque aussi bien « le Procès » d'Orson Welles que « Brazil » de Terry Gilliam. Les couloirs sont ponctués de ce que Karmitz nomme des « maisons ». Chacune abrite une ?uvre isolée. Leur regroupement forme une ville à arpenter librement. S'il y a bien une entrée et une sortie, les chemins qui les relient sont multiples.C'est donc l'intuition qui nous guide. Attiré par un bruit ou par une lueur qui vacille au bout d'un corridor, on s'aventure à tâtons, comme un explorateur qui pénètre dans une tombe millénaire. Dans la « maison » de Joseph Kosuth, des milliers de livres empilés jonchent le sol et forment un chemin sinueux. Celle de Tadeusz Kantor nous met face à des mannequins en blouse d'écolier, une « classe morte » aux regards vides très dérangeante. Plus loin, une installation de Bruce Nauman mêle vidéo et sculpture. On y entend une voix donner des ordres à une femme qui s'exécute. Un jeu qui prend une tournure de plus en plus perverse.Ailleurs, on retrouve Chris Marker, On Kawara ou Christian Boltanski. Leurs ?uvres s'apprécient indépendamment les unes des autres. Un point faible pour l'amateur d'art qui les connaîtrait déjà et qui ne les découvrira pas sous un jour nouveau. Un point fort pour le néophyte qui appréciera pleinement, sans parasitage, un assortiment haut de gamme d'art contemporain. n « Silences. Un propos de Marin Karmitz » au musée d'Art moderne et contemporain de Strasbourg. Jusqu'au 23 août. Tél. : 03.88.23.31.31.www.musees-strasbourg.org. Catalogue bilingue français-anglais, édition des Musées de la Ville de Strasbourg, 240 pages, 32 euros.