Une guerre monétaire insidieuse s'engage entre les grands pays

Par latribune.fr  |   |  523  mots
La Suisse a ouvert la boîte de Pandore. En décidant jeudi d'intervenir en solo, et pour la première fois depuis 1992, sur le marché des changes pour affaiblir son franc, la banque centrale helvétique a réussi avec ce seul tour de passe à provoquer la plus forte baisse hebdomadaire du franc suisse face à l'euro ? plus de 5 % ? depuis la création de la monnaie unique en 1999. Persuadée que la récente hausse de sa monnaie risquait d'entraîner la Confédération dans une spirale déflationniste, elle s'est inspirée de la politique menée par le Japon jusqu'en 2004 qui, à coups d'interventions répétées sur le marché des changes, était parvenu à prévenir une appréciation jugée contre-productive du yen. Lequel Japon pourrait bien être tenté de récidiver pour accélérer la rechute de son yen et redonner un peu de tonus à la compétitivité des exportateurs nippons mise à mal depuis des mois.dévaluation compétitiveQue Tokyo passe ou non à l'acte, une chose est sûre : tous les pays sont prêts à manier l'arme du taux de change pour tenter de s'extirper de la crise, ayant tiré jusqu'à la lie sur l'arme des taux et des finances publiques. Mais tout le monde ne pouvant pas avoir une monnaie faible en même temps, on risque d'assister à une aggravation de la guerre monétaire larvée, à laquelle se livrent en coulisse les grands pays depuis des mois. La Grande-Bretagne n'a-t-elle pas laissé sa livre s'effondrer sans broncher. Certains ont même avancé qu'elle encourageait perfidement cette dévaluation compétitive qui a fait frôler la parité entre le sterling et l'euro en décembre et dont la livre ne reste guère éloignée.La Chine, plus insidieusement, avait dès l'été dernier ouvert une brèche en interrompant l'appréciation progressive de son yuan qui avait permis une revalorisation d'un quart de sa valeur depuis la mi-2005, arrimant à nouveau sa monnaie au dollar. Une décision accueillie par un tollé général, mais qui s'est progressivement amortie à mesure que se multipliaient les recours à l'arme des taux de change dans le monde.les dindons de la farceVendredi, pour désamorcer d'éventuelles critiques lors du G20 finances, le Premier ministre, Wen Jiabao, a relancé la balle dans le camp des États-Unis en demandant des garanties sur la sécurité des investissements chinois en bons du Trésor américain, dont la République populaire est le plus gros détenteur. La Chine détient là une arme de destruction massive. Barack Obama qui, dès son investiture avait accusé Pékin de manipuler sa monnaie, a un besoin impérieux que la Chine continue à souscrire massivement les titres de la dette publique américaine pour financer son pantagruélique plan de relance. L'an dernier, la Chine avait augmenté ses achats de bons du Trésor américain de 46 % à 696 milliards de dollars.Pour l'instant, l'euro, et surtout le dollar, revenu sur le devant de la scène après une descente aux enfers de six ans, sont les dindons de la farce.