La crise accélère la relève des patrons

Par latribune.fr  |   |  751  mots
En quelques semaines, plusieurs grands patrons ont été débarqués manu militari par leur conseil d'administration : à la tête du groupe pharmaceutique Sanofi-Aventis, de la banque franco-belge Dexia, des Caisses d'épargne, du groupe de services informatiques Atos Origin et, hier encore, du groupe de distribution Carrefour. La crise aurait-elle accéléré la relève ? La réponse est loin d'être évidente. D'abord, à l'exception des grands groupes bancaires contraints de déprécier des actifs à leur bilan, cette crise n'a pas encore marqué les résultats financiers des entreprises françaises cotées. Son impact ne se fera réellement sentir que l'année prochaine. Ensuite, ces départs, dans la droite ligne de ceux opérés à la tête d'Alcatel en juillet et de Thomson en mars dernier, relèvent tous d'une histoire particulière. Quoi de commun, en effet, entre l'échec du médicament de Sanofi contre l'obésité Acomplia, les 750 millions d'euros de pertes de trading des Caisses d'épargne, l'exposition d'un Dexia à un risque maximal de 500 milliards de dollars aux États-Unis, la crise du modèle de l'hypermarché français et l'échec patent de la fusion Alcatel-Lucent ? Pas grand-chose, assurément. face à face stérileDe même, entre le limogeage sur décision de l'Élysée de « l'ami » Charles Milhaud de la présidence des Caisses d'épargne et le départ d'un José Luis Duran attendu depuis son déclassement en juillet dernier au rang de directeur général de Carrefour, sans être administrateur, sous la présidence d'un Amaury de Sèze ultraprésent, il y a peu de point commun.Pourtant, la concomitance de ces changements de tête ne saurait être totalement fortuite. L'effondrement des cours de Bourse des sociétés concernées a fait office d'électrochoc dans les conseils. D'abord chez les fonds activistes entrés au capital et au conseil d'administration d'un Atos Origin ou d'un Carrefour à des cours deux à trois fois supérieurs aux cours actuels sur le pari qu'ils allaient extérioriser rapidement la valeur cachée de ces groupes : ils se retrouvent aujourd'hui face à des pertes virtuelles colossales. Plus question pour eux de se résigner à un face-à-face stérile avec un management hostile. Mais au-delà de l'activisme de quelques actionnaires, l'incidence mécanique de la chute des cours sur la capacité des entreprises à se refinancer a sonné l'alarme dans les conseils d'administration, où règne une inquiétude fébrile. « Partout, les conseils remettent à plat portefeuilles d'activité, stratégie, budget et ressources humaines », raconte Brigitte Lemercier, spécialiste du recrutement de dirigeants. Alors que certains administrateurs pensaient avoir le temps de rebattre les cartes du management, la crise est venue leur rappeler l'urgence à bouger. « Des groupes qui ont récemment changé de dirigeant doivent aujourd'hui revoir intégralement leur modèle économique, dit encore Brigitte Lemercier. Or, ajoute-t-elle, seules des personnalités externes pourront conduire la rupture nécessaire. » Un raisonnement qui a clairement dicté la décision de changement chez Alcatel-Lucent, Sanofi, Atos Origin, Carrefour, ou encore Thomson.confiance ébranléeAussi, en jouant ce rôle de révélateur, la crise semble avoir accéléré une relève qui devait avoir lieu. En particulier, elle a donné aux fonds activistes, ces fonds minoritaires qui se comportent en actionnaires majoritaires, la légitimité pour agir. La division par deux du cours d'Atos entre les mois d'août et d'octobre a permis à PAI, qui détient 18 % du capital, de convaincre l'ensemble du conseil que Philippe Germond n'était plus l'homme de la situation : bien qu'il ait accepté le changement de stratégie récent vers un recentrage sur le métier du paiement en ligne, il ne bénéficiait plus de la confiance de ses actionnaires. Un départ précipité qui lui permettra de partir avec deux ans de salaires plus bonus, après? quinze mois de service.À défaut de certitudes, c'est bien de confiance dont il s'agit aujourd'hui. Partout, alors que la crise promet d'être très dure et exige des remises en cause parfois radicales des modes opératoires, les actionnaires ne veulent plus de tension avec leur exécutif. Aussi, chacun s'interroge : après Atos, Carrefour, Sanofi, Alcatel et les autres, à qui le tour ? Alors que des accords de paix ont été scellés entre les directions et les fonds activistes chez Saint- Gobain et Valeo, les regards se tournent aujourd'hui résolument vers Wendel. Valérie Segond