point de vue Philippe Carli Président de Siemens FranceLes e...

oint de vue Philippe Carli Président de Siemens FranceLes entreprises étrangères ne sont pas moins « sociales »L'indulgence de l'opinion à l'égard des récentes séquestrations de cadres dirigeants s'explique peut-être par le fait que ces actions violentes ont surtout concerné des entreprises contrôlées par des capitaux étrangers. Un procès injuste, estime  le patron de Siemens France, qui rappelle  qu'un salarié français sur sept travaille aujourd'hui pour un groupe étranger.Caterpillar, Sony, 3M, Scapa, Continental : séquestrations et actions violentes se sont multipliées ces derniers mois, suscitant une certaine indulgence au sein d'une opinion publique exaspérée par la crise. De nombreux médias, parfois même les politiques, eurent vite fait d'attribuer ces comportements à la nature du contrôle des entreprises concernées. Après tout, s'avisèrent certains, ce n'est peut-être pas un hasard si ces dernières appartiennent pour la plupart à des investisseurs étrangers : la marge de man?uvre laissée aux cadres locaux par un centre de décision éloigné et une culture sociale aux antipodes des pratiques françaises expliqueraient l'enchaînement des licenciements soudains et la violence des réactions qu'ils ont provoquées.Pour un peu, osent d'autres, le châtiment ne serait-il pas mérité ? En France, pays davantage frondeur que révolutionnaire, le mythe du « peuple contre les gros » a la vie dure : aux 200 familles d'hier aurait succédé l'investisseur étranger, toujours coupable de chercher à empocher des subventions en temps de prospérité pour mieux dévoiler son peu de considération du « social » lorsque la crise arrive?La réalité impose de mettre à bas ce cliché. La contribution de l'investissement étranger à l'emploi en France n'est plus à prouver : si l'on en croit l'Insee, le nombre de salariés français travaillant pour un groupe étranger a doublé entre 1993 et 2003, pour concerner aujourd'hui près d'un salarié sur sept, hors secteur financier et administration. Et contrairement aux idées reçues, cette présence est durable : sur les 20 plus grands groupes industriels implantés en France en 1985, 18 étaient toujours présents en 2003. En 2008, près de 32.000 emplois ont été créés ou maintenus grâce aux investissements étrangers. De tous les secteurs, c'est l'industrie ? et ses effets d'entraînement sur l'économie, que ce soit par les exportations ou les gains de productivité ? qui bénéficie le plus de ces investissements étrangers, qu'il s'agisse de rachats, d'implantations ou d'extensions de sites existants. Plus d'un quart des emplois et 28 % de la valeur ajoutée industrielle proviennent ainsi des entreprises contrôlées par des groupes étrangers. Des groupes qui participent pleinement à la dynamique économique du pays en termes d'emploi et d'innovation. Chaque année, pour ne prendre que Siemens France, nous achetons pour plus de 800 millions d'euros à des entreprises françaises sous-traitantes et plus de 30 % de notre chiffre d'affaires est réalisé à l'exportation par nos centres de compétences mondiaux.À cette aune, les cas cités précédemment doivent être remis dans leur contexte. Au-delà des effets d'annonce déformants qui tendent à attribuer l'évolution du chômage à des plans sociaux (ils n'y contribuent en réalité qu'à hauteur de 4 %), ces exemples sont révélateurs des difficultés que rencontre aujourd'hui le secteur industriel. Directement touchée par la dégradation de la conjoncture mondiale, l'industrie pâtit des brusques revirements de comportement du consommateur : qu'on songe ainsi aux difficultés de la filière automobile. Dans ce cadre, étant donné leur poids dans le secteur industriel français, et leur taille généralement significative au regard de la moyenne des entreprises françaises, il n'est pas étonnant de retrouver les filiales de groupes étrangers surreprésentées lors des annonces de plans sociaux, sans qu'il faille y voir le résultat d'une quelconque attitude « antisociale ». Bien au contraire, les entreprises étrangères sont proportionnellement souvent pionnières et bien plus impliquées dans tout ce qui concerne la RSE (responsabilité sociale des entreprises). De l'emploi des jeunes à celui des seniors, en passant par la diversité, nombre d'expériences démontrent leur avance.Néanmoins lorsque la survie de l'entreprise est en jeu, il est des mesures, si douloureuses soient-elles, qu'un dirigeant responsable se doit de mettre en ?uvre. Il en va en effet de l'avenir même de l'entreprise et ses emplois futurs. Tous ceux qui font part de leur « compréhension » devant les humiliations, prises d'otages et autres violences faites à des cadres dirigeants qui représentent des groupes étrangers devraient ainsi y réfléchir à deux fois : ne sont-ils pas en train d'hypothéquer l'avenir ?Vu de l'étranger, il n'est pas certain en effet que ces actes s'affranchissant de toute légalité jouissent du même traitement de complaisance. Là-bas, les prises d'otages et autres violences y sont toujours interprétées avec plus de force, la distance faisant perdre toute notion relative : qu'on se remémore le précédent des émeutes de 2006.Définitivement, la France a de nombreux atouts : personnel qualifié, capacité d'innovation, infrastructures performantes, localisation stratégique. Autant de qualités que nous défendons au quotidien dans nos grandes entreprises mondiales pour continuer à attirer les capitaux étrangers dont notre pays a besoin pour accompagner son développement. Afin de maintenir ses emplois, une révision des modes de pensée s'impose. Cessons d'attribuer à des entités fantasmées ? illusoire « capitalisme anglo-saxon », fonds « rapaces » et autres investisseurs apatrides ? toutes les atteintes à la cohésion sociale, et interrogeons-nous plutôt sur nos propres spécificités : la France est-elle réellement condamnée à cette conflictualité du travail d'un autre âge ? N'existe-t-il pas un autre dialogue social respectueux de l'ensemble des femmes et des hommes de l'entreprise ?Autrement dit, au lieu de se tirer une balle dans le pied à chaque crise, apprenons plutôt ensemble à construire notre avenir.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.