La crise rattrape les établissements mutualistes

" Si la perte de 600 millions d'euros annoncée par la Caisse Nationale des Caisses d'Épargne reste modérée au regard du ratio de solvabilité du groupe, une perte inattendue aussi significative soulève des questions sur le management du risque dans le groupe et son appétit pour le risque." L'analyse de Standard & Poor's, publiée vendredi après l'annonce par l'Écureuil de son "incident de marché", résume l'environnement dans lequel gravitent les établissements financiers mutualistes. Car l'Écureuil n'est pas le seul concerné. Les pertes de trading pour compte propre (250 millions d'euros perdus en septembre 2007) et les mauvais résultats de sa filiale de banque d'affaires Calyon ont fait souffrir le Crédit Agricole. Plus récemment, les difficultés de la société de gestion alternative ADI, filiale de la Matmut, illustrent les embarras des mutualistes alors que la crise ne faiblit pas. Certes, l'impact des événements économiques ne s'arrête pas au statut juridique des entreprises. En revanche, la distinction mutualiste/ capitaliste ne semble plus avoir de signification. Si, en période d'euphorie, il a été facile de revendiquer une appartenance mutualiste tout en développant des activités qui sortaient du champ d'activité historique (la banque de détail et l'assurance), la crise a montré que les mutualistes sont des capitalistes comme les autres. C'est-à-dire qu'ils souffrent autant, parce qu'ils ont pris autant de risques. Voire plus. Mais quels risques ? C'est la question que l'on se pose aujourd'hui. Car en voyant laMatmut actionnaire d'un fonds alternatif, les Caisses d'Épargne perdre 600 millions d'euros dans les dérivés actions, le Crédit Agricole être exposé aux rehausseurs de crédits américains ou encore le mutualiste belge Ethias vendre des produits structurés de Lehman Brothers à des épargnants, on est tenté de se demander "mais que diable allaient-ils faire dans cette galère ?" Du côté des Caisses d'Épargne, on considère légitime le déploiement des activités (dans l'immobilier, dans la banque d'investissement) en dehors de la banque de détail, le considérant comme une réponse nécessaire et anticipée à l'inévitable banalisation du livret A. Du côté du Crédit Agricole, la cotation du groupe en décembre 2001 était justifiée par le souhait de se doter d'une arme capitaliste, celle des marchés, tout en conservant les valeurs du mutualisme. "TROP VITE, TROP LOIN, TROP FORT" Une fois la crise avérée, il apparaît que ces mouvements ont été trop rapides. L'euphorie financière permettait des prises de risques très rentables.Mais, comme l'a expliqué en forme de mea culpa Marc Litzler, directeur général déchu de Calyon, il avait été "trop vite, trop loin, trop fort". Aujourd'hui est venue l'heure des comptes. Les têtes sont tombées aux Caisses d'Épargne dès vendredi. Mais cela ne semblait pas suffire au président de la République Nicolas Sarkozy qui demandait que "les responsables en tirent les conséquences". Ses voeux ont été exaucés hier avec le départ des principaux dirigeants du groupe. À la Matmut, le sauvetage d'ADI via la reprise par une structure commune à cette mutuelle d'assurance et à laMacif, est en cours. Quant au Crédit Agricole, après avoir reformaté sa banque de financement et d'investissement et annoncé un vaste plan de cession d'actifs, les actionnaires principaux que sont les caisses régionales se retrouvent aujourd'hui et demain à l'occasion de leur congrès, avec, pour feuille de route, une vision des caisses à 10 ans. Comme l'explique un dirigeant de la Fédération nationale du Crédit Agricole, organe politique du groupe, "les caisses régionales entendent réaffirmer le code génétique du groupe, ses valeurs fondamentales. Elles veulent aussi rappeler que ce sont elles qui constituent le coeur du dispositif de la banque verte. Il est temps de réaffirmer les valeurs mutualistes portées par la marque." Une façon, en se projetant à 10 ans, de se tourner vers leur passé.
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