On demande M. Keynes

C'est le mot en " R " qui fait froid dans le dos à tout contribuable ayant un tant soit peu de mémoire : " relance ". La mémoire de la relance française catastrophique de 1981-1982 par exemple, faite à contretemps, qui déboucha sur une explosion du déficit et une dégradation des comptes extérieurs. Opération qui s'est soldée par un autre mot en " r " et son cortège d'impôts nouveaux, la rigueur. À force d'être si mal défendue par la ferblanterie intellectuelle d'une gauche souvent oublieuse de la réalité, la relance est devenue un mot imprononçable, en Europe au moins. Les États-Unis, qui n'ont pas nos pudeurs sur ces sujets, alignent les milliards dès que l'activité ralentit. Nous aurons pourtant besoin d'un vrai soutien à l'activité en 2009, pour parer aux effets de la récession qui pointe. Le dégonflement de la plus grosse bulle spéculative de tous les temps va fortement peser sur la demande, aux États-Unis bien sûr, mais aussi en Europe, dans les pays qui accusent la plus forte chute de l'immobilier, l'Espagne et le Royaume-Uni. Or ces trois pays étaient les locomotives de la planète, bien davantage que la Chine, l'Inde et autres émergents - rappelons que les importations indiennes sont inférieures à celles de la Belgique, et qu'il serait donc fort imprudent d'attendre un secours de ce côté-là. Alors que les précédents ralentissements étaient causés par le cycle des entreprises, celui-ci s'explique par la satiété des consommateurs surendettés. Il est donc plus dangereux, car plus durable. Traditionnellement, l'Amérique relance en baissant les impôts, voire en les remboursant comme il y a quelques mois, tandis que l'Europe laisse se creuser les déficits. Cette fois-ci, cela pourrait bien ne pas suffire. Pour faire boire non pas seulement un âne, mais toute une ménagerie qui n'a plus soif, il va falloir créer du revenu et de l'activité. Seule la puissance publique peut le faire, grâce à ses capacités d'endettement. Déjà mobilisée pour atténuer la crise du crédit, elle va devoir soutenir une demande anémiée. Certains pays européens s'y sont déjà attelés, le Royaume-Uni et l'Espagne notamment, les plus touchés par la crise. Il serait regrettable que le " chacun pour soi " prévale en Europe - ce serait aussi moins efficace - surtout après le bel élan commun pour sauver le système bancaire du continent. On demande Monsieur Keynes à Bruxelles.
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