Le désarroi des salariés français d'entreprises étrangères

Par latribune.fr  |   |  663  mots
Les actionnaires de Continental, invités ce matin au Centre des congrès de Hanovre pour l'assemblée générale du fabricant de pneumatiques, risquent d'avoir un peu de mal à y accéder. Les 1.120 salariés français du site de Clairoix, dans l'Oise, que le groupe allemand veut fermer, se sont invités sur place en affrétant un train spécial. Leur objectif : faire entendre leur colère aux dirigeants du manufacturier. Colère vis-à-vis d'une décision qui leur est tombée sur la tête alors qu'ils avaient accepté quelques mois plus tôt d'augmenter leur temps de travail pour sauver leur usine. Colère envers un groupe qu'ils accusent de ne pas avoir respecté ses obligations légales, même si la justice vient de leur donner tort au début de cette semaine. Colère enfin vis-à-vis des politiques, visiblement impuissants à éviter la fermeture de leur site.Continental n'est pas un cas isolé. Depuis quelques semaines, les actions fortes de salariés désemparés se multiplient, chez Caterpillar, 3M, Molex? Avec, dans tous ces cas, un point commun : les décisions de fermeture ou de suppressions d'emplois sont prises loin de l'Hexagone. En Allemagne, aux États-Unis, à Londres pour ce qui concerne ArcelorMittal.La situation n'a rien d'anormal, dans une économie fortement mondialisée. Mais elle donne le sentiment aux salariés concernés d'être sacrifiés, peut-être, au profit d'autres, plus proches des centres de décision. Les groupes incriminés se défendent, en rappelant que ces mesures font partie de plans mondiaux de restructuration parfois très lourds. Continental, qui subit comme tous les groupes du secteur la violente crise de l'automobile, veut certes fermer Clairoix. Mais son usine historique de Hanovre, où se trouve pourtant le siège social du groupe, sera aussi sacrifiée. Caterpillar, le géant américain des engins de chantier, a annoncé 20.000 suppressions d'emplois en janvier et il ne cesse, depuis, d'égrener les sites touchés. Dans l'Illinois, par exemple, trois de ses usines perdront plus de 2.500 salariés au total. Quant à l'américain Molex, un fabricant de connecteurs électriques pour l'automobile, il tire un trait sur la quasi-totalité de ses activités en Europe. Outre son usine française de Villemur-sur-Tarn, il ferme son site allemand d'Ettlingen (230 salariés) et celui de Kosice, en Slovaquie (900 salariés).sentiment d'abandon L'Hexagone est donc loin d'être le seul touché par ces suppressions d'emplois, conséquences, pour la plupart, d'une récession sans précédent. Il n'empêche. Le sentiment persiste parmi les salariés français de ces groupes d'être davantage victimes que ceux des entreprises nées dans l'Hexagone. L'État ne s'est-il pas précipité au chevet d'Heuliez ? N'a-t-il pas quasi interdit aux dirigeants de PSA ou de Renault de licencier en France ? Mais face à des groupes allemands, américains ou japonais, les mêmes ministres et le chef de l'État ne peuvent qu'égrener des paroles réconfortantes, provoquant une exaspération croissante des salariés.De même, le sentiment des syndicats et des salariés d'avoir affaire, dans les négociations, à des dirigeants locaux sans grande marge de man?uvre, qui ne font qu'appliquer des décisions prises ailleurs, renforce la colère. Ces dirigeants sont légalement compétents pour présider les comités d'entreprise et reconnus comme tels par la justice. Mais les salariés savent que leur pouvoir reste très limité. Celui d'un patron de filiale de grand groupe français ne serait sans doute pas beaucoup plus important dans un cas analogue. Mais le fait, pour les salariés, de savoir qu'ils peuvent aller dire leur colère en face au « grand patron », comme l'ont fait récemment quelques salariés de la Fnac ou de Conforama avec François-Henri Pinault, calme un peu l'amertume. Même si cela ne change pas forcément la décision finale.