Kaliningrad souffle le chaud et le froid

Par latribune.fr  |   |  822  mots
Longtemps délaissé par Moscou, puis présenté aux Européens comme le marchepied pour le marché russe et aujourd'hui érigé comme une base de lancement possible de missiles, Kaliningrad offre un visage déroutant aux investisseurs. En 2005, Vladimir Poutine y avait invité Gerhard Schröder et Jacques Chirac pour leur vanter son potentiel régional. L'année suivante, Kaliningrad reçoit le statut de « zone économique spéciale » (ZES), qui garantit à tout investisseur non résident, engageant plus de 150 millions de dollars, l'exonération complète d'impôts sur les bénéfices et la propriété sur six ans suivis d'un rabais de 50 % sur les six années suivantes. Et Moscou fait miroiter aux Européens toute une série de projets, dont une centrale nucléaire. Mais son successeur, Dmitri Medvedev, peignait à nouveau la région en kaki avec sa menace d'y installer des missiles Iskander pointés sur les pays européens voisins. Peuplée par 950.000 Russes, elle est deux fois plus proche de Berlin que de Moscou (600 km contre 1.300 km). Pourtant, n'appréciant guère les cohortes de retraités allemands nostalgiques de Königsberg, l'industrie touristique préfère vendre aux Russes ses longues plages de sable fin naguère appréciées par l'intelligentsia soviétique et se taille une identité autour de l'ambre, dont Kaliningrad possède 90 % des réserves mondiales prouvées.un port qui ne gèle pasLe fort déficit d'infrastructure hôtelière attire les investisseurs mais bute contre la faiblesse du réseau routier et la question des visas. Le gouverneur, Gueorgui Boos, veut minimiser les problèmes administratifs. « Le problème des visas est en partie réglé. Nous sommes l'unique région russe où l'on puisse obtenir à la frontière un visa de 72 heures ». Côté transport, il reconnaît que beaucoup reste à faire, mais souligne que « Kaliningrad se situe au centre de l'Europe, sur un axe routier et ferroviaire très important. Toutes les conditions sont réunies pour une forte croissance du secteur. » Le gouverneur rappelle que des appels d'offres internationaux ont été lancés pour la construction de routes et note que les groupes français n'y ont pas participé. D'une manière générale, il déplore le fait que les « Européens ont bien entendu nos propositions, mais n'y ont pas réagi ». Kaliningrad sert de base à une compagnie aérienne privée, KD Avia, dont le fonctionnement se rapproche de celui d'une compagnie low-cost. Dernier avantage, la région possède le seul port russe sur la Baltique qui ne gèle pas en hiver.Ancien entrepreneur ayant fait fortune dans l'éclairage, Gueorgui Boos présente à ce titre un profil inhabituel pour un gouverneur et possède une bonne réputation auprès des investisseurs. Selon lui, les secteurs présentant le plus fort potentiel sont, dans l'ordre, l'agriculture, l'agro-industrie, la logistique et le tourisme. Peu d'étrangers ont pour l'instant répondu à l'appel. Chez les français, Schneider Electric a été parmi les premiers groupes à parier sur Kaliningrad en 2001 avec un très timide investissement. Le groupe produit localement des équipements destinés aux groupes pétroliers opérant dans la région. Une autre société française, Knauf, a suivi en 2003 avec une usine de recyclage de plastique dans laquelle 5 millions d'euros ont été injectés.Le potentiel agro-industriel est exploité par Sodroujestvo, une société privée russe dans laquelle IFC (filiale de la Banque mondiale) a pris une part minoritaire pour 50 millions de dollars en février dernier. Sodroujestvo a construit une usine de soja flambant neuve qui figure parmi les plus grosses d'Europe avec un chiffre d'affaires de 290 millions de dollars sur le premier semestre 2008.Avec son produit régional brut de 4 milliards d'euros en 2007, la région montre une solide croissance de 24,7 % par rapport à l'année précédente, grâce à une très forte production industrielle (66 % en 2006 et 35 % en 2007). Dans le même temps, le pouvoir d'achat des habitants a cru légèrement plus vite que la moyenne russe (16,6 %). Mais il faut préciser que la région revient de loin. Profondément sinistrée tout au long des années 1990 parce qu'elle reposait essentiellement sur le complexe militaro-industriel, l'économie locale n'a redémarré que grâce à l'octroi du statut de ZES. La région a commencé à attirer les industriels et aujourd'hui se targue de concentrer 80 % des téléviseurs et des aspirateurs produits en Russie. Et 12 % des voitures de marques étrangères assemblées en Russie sortent d'Avtotor, basée à Kaliningrad, qui produit plus de 100.000 véhicules par an de marques BMW, Hummer, Kia, Chery et Chevrolet. La structure des échanges montre que le plus gros des investissements vient de Moscou et que la production s'écoule en Russie. Le travail d'intégration dans l'Europe avance doucement et Kaliningrad reste plus que jamais otage des tensions politiques à Moscou.