Et si on réinventait la solidarité  ?

Par latribune.fr  |   |  410  mots
Une question centrale est au c?ur du livre de Jacques Delors et Michel Dollé. « Nos sociétés sont-elles encore capables de produire de la solidarité ? » Plus précisément encore : « Nos politiques, délaissant les séduisantes facilités de la communication et le recours démagogique à la compassion, auront-ils le courage de produire de la solidarité ? » L'individualisme et l'effet d'annonce, tels sont peut-être les deux adversaires les plus formidables qu'ait à combattre une politique sociale sérieuse. Les auteurs ont néanmoins le courage intellectuel de proposer à cette société-là, à cette France-là, de repenser en profondeur l'État providence. Son but ? L'égalité des chances. Oui, ils le savent bien, le concept est usé. égalité des chancesAlors il faut bien lui ajouter un adjectif et chercher à atteindre la « véritable égalité des chances », selon l'expression de John Rawls, ou l'« égalité des capacités » prônée par Amartya Sen. Chez le philosophe américain auteur de « Théorie de la justice » (1971) comme chez l'économiste indien, Prix Nobel 1998, dont les travaux portent sur le développement humain, on trouve l'idée que la justice sociale suppose de concentrer les efforts et les aides sur les plus démunis, mais de façon à leur permettre de participer en sujets autonomes à la société. Les allocations en tout genre n'y suffisent pas. « L'État d'investissement social » dont rêvent Delors et Dollé doit viser à corriger autant que nécessaire les inégalités de situation. Il est essentiellement préventif. Leur réflexion part de l'emploi, où se manifestent tous les dysfonctionnements français : chômage, sous-emploi, précarité, mauvaise intégration des jeunes, éviction des seniors. De là, ils « remontent » vers la formation ? l'école d'un côté, la formation permanente de l'autre ? là où se nouent les échecs (ceux des politiques mises en ?uvre et ceux des individus). investir dans l'enfantEnfin, et c'est l'un des aspects les plus originaux de l'ouvrage, ils développent l'idée d'investir dans l'enfant. Ils proposent que soit créé un service public de l'enfance, qui agirait dans une optique d'égalisation des chances. Son approche serait beaucoup plus large que l'habituelle question des modes de garde, puisqu'il s'agirait de proposer une offre de services collectifs qui viendrait compenser, jusqu'à l'âge de 10 ou 12 ans, tout ce que les familles ne peuvent pas apporter à leurs enfants. S. Gh.« Investir dans le social », Jacques Delors, Michel Dollé (économiste) ; éditions Odile Jacob, 23 euros.