Le franc suisse ne fait plus recette

Par latribune.fr  |   |  466  mots
Jadis monnaie refuge en temps de crise, le franc suisse est aujourd'hui en situation critique. Depuis la nouvelle baisse des taux helvétiques, réduits de 100 points de base, à 1 %, le 20 novembre, le franc s'est affaissé, effaçant sa reprise de l'été. Après avoir chuté à un plancher historique face à l'euro en octobre 2007, en pleine vogue du « carry trade » (les stratégies de portage consistant à jouer sur les écarts de rendements), pour tomber jusqu'à 1,68, il avait rebondi dès le début de leur débouclage jusqu'à 1,44 pour 1 euro le mois dernier. À la veille du week-end, le « swissie », son surnom anglo-saxon, ne valait plus que 1,55. Face au dollar, la glissade du franc est encore plus prononcée. Il a cédé 18 % de sa valeur depuis la mi-juillet, au moment ou le billet vert a interrompu six ans de dérive quasi ininterrompue.Pendant ce temps, le yen, avec qui il partageait le rôle de victime des stratégies à effet de levier, caracole au grand dam des autorités nipponnes, alors même que leurs homologues helvètes commencent à se soucier de la dérive de leur franc. Ce qui se traduit par un recul du franc suisse par rapport au yen de plus de 15 %.Comment expliquer le divorce entre ce couple de monnaies qui évoluaient de concert?? D'abord, parce que le swissie a été un vecteur du « carry trade » nettement moins important que le yen, monnaie de la deuxième puissance économique mondiale, qui est aussi le plus gros exportateur de capitaux de la planète. Ensuite parce que la Confédération a administré une thérapie de choc sur ses taux, qui n'est sans doute pas arrivée à son terme, en les réduisant de 2 % en deux mois, alors que la marge de man?uvre de la Banque du Japon est extrêmement limitée. Tout au plus a-t-elle concédé une détente de son taux directeur de 20 points de base, en le ramenant de 0,5 % à 0,3 % le 21 octobre. Enfin, parce que le système bancaire suisse, éminemment important rapporté au PIB, apparaît beaucoup plus fragile que celui du Japon. Deux des fleurons de la finance helvétique suscitent des inquiétudes, à commencer par UBS, qui a déjà bénéficié de l'injection de fonds publics et dans une moindre mesure le Crédit Suisse.C'est ce triptyque qui sous-tend la faiblesse du franc suisse et qui lui a fait perdre le statut de valeur refuge dont il avait bénéficié pratiquement tout au long du cycle monétaire qui a suivi l'abandon du système de changes fixes en 1971 et l'entrée dans l'ère des changes flottants. Et aujourd'hui, c'est le dollar, lui-même devenu une monnaie à faibles rendements mais plus liquide, qui lui fait de l'ombre. Isabelle Croizard