La supérette Villepin

Passe encore que le Premier secrétaire du Parti socialiste dénonce, après avoir écouté le Premier ministre hier à l'Assemblée nationale, un "discours de plus". Rien d'anormal à le voir jouer son rôle d'opposant. Passe encore aussi que le chef de file de l'UDF regrette de n'y voir qu'un "énième plan emploi". Il étrenne, lui, son costume tout neuf d'opposant de l'intérieur. Le plus grave est que la déception peut être partagée par bon nombre de ceux qui attendaient - à tort sans doute - du nouveau chef du gouvernement qu'il se montre, sur la forme comme sur le fond, à la hauteur de ce qu'il qualifie lui-même de "moment exceptionnel de l'histoire de notre pays". Fâcheux pour l'intéressé qui se targue de reconquérir la confiance du pays en 100 jours ! Le signal de la reconquête aurait gagné à être plus clair et plus sonore que le discours programme façon supermarché entendu hier. Dans les rayons de la supérette Villepin, il y en a pour tout le monde, employeurs et salariés, jeunes et seniors, étudiants et apprentis, thuriféraires du libéralisme et disciples de Keynes, locataires et propriétaires... Tout cela dénote un sens aigu de la recherche d'équilibres subtils qui donne un petit côté auberge espagnole à la ligne politique choisie par le Premier ministre et, par voie de conséquence, n'en facilite pas la lecture. On y devine le désir d'agir contre "le véritable mal français" - le chômage - mais en ne s'aliénant personne. La réussite n'est pas garantie à en juger par la vigueur des premières réactions, notamment de l'opposition et des syndicats. D'ores et déjà, l'avenir de la mesure la plus novatrice du plan Villepin, le "contrat nouvelle embauche", apparaît très incertain. "Chiffon rouge" annonciateur d'une précarisation croissante de l'emploi aux yeux des milieux syndicaux et de beaucoup de salariés, ce nouveau contrat nous promet déjà une féroce empoignade dont le gouvernement n'est pas assuré de sortir gagnant. Au moins le Premier ministre a-t-il le mérite de ne pas se dérober par crainte de la difficulté. Et si - ce que personne ne peut souhaiter - il devait échouer dans sa mission, ce serait avec la conviction d'avoir tout essayé.
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