Tous debout !

Outragée à la simple évocation du rachat d'un symbole de sa culture industrialo-gastronomique, la France entière - ou presque - se lève pour Danone. Pour l'occasion, histoire de marquer les esprits, on exhume une citation de feu Antoine Riboud, le fondateur de l'entreprise, qui assimilait Danone et la cathédrale de Chartres pour souligner l'identité inaltérablement hexagonale du groupe. Mais, outre que nombre d'investisseurs américains ne verraient rien d'extravagant à acheter la cathédrale de Chartres si elle était à vendre, cette comparaison n'est plus d'actualité. La situation actuelle de Danone n'a plus rien à voir avec celle de l'époque. Entre-temps, le groupe s'est largement internationalisé, au point que sa francité ne tient plus guère aujourd'hui qu'au passeport de son PDG et au lieu de son siège social. Pour tout le reste, le doute est permis : plus de 40 % du capital sont entre les mains d'actionnaires étrangers, 80 % du chiffre d'affaires provient d'activités réalisées hors de l'Hexagone, près de neuf salariés sur dix sont belges ou espagnols, chinois ou japonais, mexicains ou brésiliens. Bref, tout sauf français. Le portrait ainsi dressé se rapproche de ce qu'il est convenu d'appeler une multinationale sans frontières ni drapeau. En faisant un petit effort de mémoire, on se souviendra que, il y a quelques années, Danone fut montré du doigt et accusé de pratiquer les méthodes du grand capitalisme international qui a si mauvaise presse dans notre pays. C'était l'épisode du choc émotionnel soulevé par la restructuration de sa branche biscuits et la fermeture des sites de Calais et Ris-Orangis dans la banlieue parisienne. Cette fois-là, la France s'était déjà levée pour Danone, mais pour s'indigner et lui reprocher ses "licenciements boursiers". A cette époque, le ressentiment populaire était si intense que, interrogés par sondage, 70 % des Français se disaient favorables à un boycott des produits Danone... Quatre années ont passé, la France, amnésique ou magnanime, se forme aujourd'hui en carré pour défendre ses yaourts, ses eaux minérales et ses petits LU.
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