Patriotisme efficace

Le patriotisme à la britannique a une double particularité, qui tranche avec nos rodomontades : il est discret et efficace. Regardez ce qui se passe pour la Bourse de Londres : à peine entré dans la bagarre, le Nasdaq, deuxième marché américain des actions, a rangé ses milliards de dollars dans sa poche et renoncé à ses velléités de prise de contrôle de son concurrent britannique, le LSE. Et pourtant, pas un bruit, pas une clameur politique, pas une déclaration outragée d'un quelconque ressortissant britannique ne se sont fait entendre pour repousser le prédateur yankee ! Et ce alors qu'on sait fort bien en Grande-Bretagne combien la place de Londres est stratégique pour un pays tout entier tourné vers sa City. Depuis que les candidats au mariage, qu'ils soient allemand, français ou américain, tournent autour de la belle britannique, celle-ci n'a pas eu à chercher un chevalier blanc : elle s'est tout simplement rendue intouchable. Avec une arme qui se révèle d'une redoutable efficacité : son cours de Bourse ! En quelques mois, l'action du LSE a plus que doublé, avec une valorisation de près de 4 milliards d'euros. De quoi calmer les appétits les plus pantagruéliques. Or, cette valorisation, elle s'est tout naturellement obtenue d'une part en jouant la montre - les autorités britanniques ont pris tout leur temps pour considérer l'offre informelle de Paris - d'autre part en incitant les acteurs de la City à acheter des titres, exercice qu'Euronext a tenté en France, sans grand succès. En somme, chez nous le patriotisme s'affiche à l'oral mais pas dans les actes, outre-Manche c'est l'inverse. Cela dit, la reculade du Nasdaq sur Londres ouvre à nouveau tout un champ de possibles. On le sait, les discussions entre Paris et Francfort se poursuivent cahin-caha avec toujours, en arrière-fond, la question centrale de l'équilibre des forces, Paris étant, à juste titre, attachée à ce que Euronext garde des prérogatives dignes des succès de la place paneuropéenne. On sait aussi que les acteurs américains, dont l'un vient de recouvrer sa liberté, sont en embuscade. Et on en vient à se demander si, finalement, Paris n'aurait pas plus à gagner dans un mariage conclu outre-Atlantique, notamment avec Wall Street dont il est parfaitement complémentaire, plutôt qu'outre-Rhin.
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