Tunnel maudit

Il faut en finir une fois pour toutes avec le dossier Eurotunnel. Car cela fait maintenant une vingtaine d'années que ce cauchemar continue, à la fois pour les actionnaires du tunnel sous la Manche et pour ses créanciers. Ce qui était hier le chantier du siècle s'est transformé en un monument d'impéritie. Avec des erreurs fondatrices de la part des États britannique et français, et une gestion souvent hasardeuse, tant sur le plan financier que sur celui de l'exploitation. Au premier chef, donc, la magistrale bourde franco-britannique : décider de faire financer par des particuliers, en leur promettant une sécurité quasiment totale de leur placement, un projet éminemment spéculatif. En somme, une décision d'essence libérale pour une infrastructure d'État, avec ses zones d'inconnues - percer un tunnel d'une rive à l'autre de la Manche n'est pas une mince affaire ! - et ses exigences sécuritaires. Le fiasco a été à la hauteur de l'ambition du projet, avec au final une facture pour la construction de quelque 80 milliards de francs de l'époque, le double de ce qui était initialement prévu ! Deuxième erreur magistrale : toutes les projections de trafic se sont révélées fausses. Certaines ont même été manifestement surestimées lors des divers plans de secours de l'entreprise, histoire de justifier le montant des augmentations de capital auprès d'actionnaires constamment sollicités pour venir au secours de leur entreprise. On a promis que le tunnel laisserait sur les rives de la Manche des compagnies de ferries... qui se sont finalement fort bien adaptées à la donne. Troisième erreur, encore politique : il fallait à un moment donné tirer les leçons de ce ratage monumental, rapatrier le risque financier au sein des États, accorder des concessions dignes de ce nom à l'exploitant du tunnel et le sortir de l'asphyxie financière pour lui permettre d'investir dans l'exploitation de l'ouvrage. Les gouvernements successifs ne se sont jamais sentis investis du sujet, préférant s'en laver les mains. Au final, Eurotunnel aura donné une bien piètre image de l'entente franco-britannique, manifestement aussi bancale que le tunnel sous la Manche. Mais après tout, ce n'est jamais que la traduction d'une triste réalité politique.
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