Tenaille

Il ne faut pas s'y tromper : Jean-Claude Trichet a peur. Peur de la faiblesse de l'économie européenne. Peur, plus encore, de l'impact toujours aussi fort de la crise des subprimes aux États-Unis à la fois sur le système bancaire européen et sur l'économie de la zone euro. Peur enfin de la fébrilité des marchés financiers. En somme, et pour la première fois depuis la création de la Banque centrale européenne, le grand argentier a mis sous le boisseau son Graal, en l'occurrence la lutte contre l'inflation. Certes, les spécialistes diront que le ton employé pour fustiger la hausse des prix est encore monté d'un cran. Que, depuis qu'il a baissé sa garde en septembre en renonçant à relever ses taux directeurs, l'institut d'émission n'a de cesse de prévenir les opérateurs, en allant crescendo, qu'il n'a pas perdu de vue son objectif de lutte contre l'inflation. Que Jean-Claude Trichet annonce aussi directement, comme il l'a fait hier, avoir " discuté " d'une possible remontée des taux d'intérêt peut donc être interprété comme une préparation des esprits à cette éventualité. À une nuance près, et de taille, c'est que le mot " vigilance ", très codé et annonciateur d'un durcissement, n'a pas été employé. Alors même que l'inflation est supérieure à 3 % dans la zone euro, il se trouve que la BCE n'a pas éprouvé le besoin de sortir son arme favorite, alors que, en d'autres temps, elle n'aurait pas hésité une seconde. Pourquoi ? La réponse est simple : d'un côté, Jean-Claude Trichet s'inquiète beaucoup de l'inflation mais sans agir, de l'autre il rassure dans le discours sur la croissance mais en faisant tout son possible pour la soutenir et pour conforter les places financières... Pour que l'ardent partisan de la plus stricte orthodoxie sur la surveillance de la hausse des prix agisse ainsi à contre-emploi, c'est que la BCE est bel et bien prise en tenaille et que la fragilité des marchés financiers et la situation de l'économie européenne sont sans doute plus préoccupantes qu'il n'y paraît. On en arrive à un paradoxe : si demain la BCE devait reprendre le chemin de la hausse des taux directeurs, ce serait finalement une excellente nouvelle. Cela voudrait dire que le gros de l'orage sur la croissance en Europe est passé et que les places financières pourraient retrouver leur allant.
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