Voleurs en gants blancs

Dans la grande partie de bras de fer fiscal qui oppose la puissante Allemagne et les "voleurs en gants blancs" de la minuscule principauté alpine du Liechtenstein, les apparences peuvent être trompeuses. Contre toute attente, le rapport de forces n'est pas aussi déséquilibré que pourrait le laisser penser le poids politique et économique respectif des deux adversaires. Le gouvernement allemand n'a pas les meilleures cartes en main.Menacer de renforcer les contrôles sur les transferts financiers vers le Liechtenstein ferait certainement du tort aux banques de la principauté sans pour autant stopper la fraude fiscale, qui se réorienterait vers d'autres paradis fiscaux, proches ou plus lointains. À l'heure des transferts électroniques, les milliards cachés aux administrations fiscales peuvent se retrouver en quelques secondes à l'autre bout du continent ou de la planète. Pour espérer endiguer l'évasion fiscale, Berlin devrait envisager d'instaurer un contrôle des changes tous azimuts, ce qui n'est plus possible à l'heure de la globalisation et de la liberté de circulation des capitaux. Il n'est même pas certain que, en enrôlant ses vingt-six partenaires européens dans une nouvelle croisade contre les havres fiscaux, Berlin obtienne beaucoup plus de résultats. À supposer que les partenaires en question soient animés de la même volonté de transparence. Ce qui est loin d'être acquis. L'accord sur la taxation des revenus de placement actuellement en vigueur a donné lieu à quinze années de tractations qui n'ont pu aboutir que parce que les négociateurs de l'Union européenne ont lâché du lest sur le maintien du secret bancaire pour certains États, dont le Liechtenstein, la Suisse, mais aussi le Luxembourg, la Belgique et l'Autriche bénéficient. Or la prospérité de ces nations repose en grande partie sur la préservation de la confidentialité accordée aux capitaux venus d'ailleurs. Si le Liechtenstein tient tête avec autant de morgue face à son puissant voisin du nord, c'est parce qu'il se sait discrètement soutenu dans cette épreuve par la grande fraternité des paradis fiscaux, à commencer par son associé helvétique. Pour eux, changer les règles signifie perdre le fonds de commerce qui les fait vivre. Et ils auront beau jeu de renvoyer certains pays de l'Union européenne, qui abritent eux-mêmes des paradis fiscaux—la France avec Monaco et Andorre, le Royaume-Uni avec ses îles Anglo-Normandes ou Man, l'Italie avec San Marin, etc.— balayer devant leur porte avant de jouer les prix de vertu.
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