Bornes et limites

Les pères de l'euro rêvaient d'en faire une monnaie forte. Leur rêve est exaucé. Mais cet euro fort n'est pas du goût de tout le monde. On entend ici et là se lamenter sur les effets pervers de cette monnaie qu'on aime, comme la moutarde, forte mais pas trop. Le ton est d'ailleurs donné en haut lieu puisque la voix autorisée du gouvernement français exprimait hier le souhait que le niveau de la devise européenne reste " dans les bornes du raisonnable ". Comment définir la notion de " raisonnable " en matière de mouvements de change ? De quel genre de " bornes " est-il question ? Et où faudrait-il les mettre ? Mystère. Les autorités françaises semblent cette fois avoir adopté le registre de la sobriété, qui ne leur est pas habituel. Est-ce parce que, le semestre de présidence française de l'Union européenne arrivant à grands pas, Paris veut rester dans des limites verbales acceptables par ses partenaires - et au premier chef, l'Allemagne - qui n'apprécient guère les tirades anti-BCE dont la France s'est fait une spécialité ? On peut aisément l'imaginer. Sans compter que les cercles du pouvoir parisien ont peut-être fini par comprendre la vanité de leurs critiques, plus sûr moyen d'amener la Banque centrale européenne à faire le contraire de ce qu'on attend d'elle. Veut-on voir la BCE baisser ses taux pour donner de l'oxygène aux économies du Vieux Continent et diminuer l'attrait de l'euro ? Mieux vaut alors ne pas retarder une éventuelle décision par des déclarations intempestives. D'autant que la fin du cycle de baisse des taux américains qui éloigne les investisseurs du billet vert se rapproche. D'ici à l'été, la marge de la Fed se sera considérablement rétrécie, ouvrant la voie à un possible et progressif retour en grâce de la devise américaine. D'ores et déjà, le sentiment que le dollar a été survendu s'installe sur le marché des changes, laissant augurer une pause, voire la fin de la disgrâce prolongée du billet vert. En attendant, il faudra probablement accepter de vivre avec un euro fort toujours soutenu par la perspective d'une récession américaine qui prend forme semaine après semaine, alors que les économies européennes devraient seulement réduire l'allure cette année sans connaître de décrochage.
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