Du concret ou rien

Nicolas Sarkozy se donne six mois pour combler - au moins en partie - le fossé qui se creuse entre l'Europe et les Européens. Le semestre de présidence française de l'Union européenne est donc placé sous le signe des projets concrets. Dans le discours, le pli est déjà pris. Le leitmotiv est omniprésent. Pas un responsable gouvernemental parisien n'évoque ces jours-ci cette présidence française de l'UE sans sacrifier au culte du concret érigé en fil rouge par l'Élysée. Mais pour ne pas décevoir, il va falloir aller au-delà des belles paroles. Or, bâtir une Europe du concret est un exercice difficile qui réclame bien davantage que de bonnes intentions. Les exemples ne manquent pas où les élites européennes ont cru oeuvrer pour le bien des peuples et abouti, bien malgré elles, à renforcer les préventions à l'égard de l'Union. Le cas de la libéralisation du marché de l'énergie, effective depuis un an jour pour jour, est presque un cas d'école. Voilà un chantier qui a mobilisé plusieurs années durant la Commission européenne et ses services avec un objectif noble et concret : mettre fin aux monopoles et introduire de la concurrence afin de faire baisser les prix pour les consommateurs, particuliers comme entreprises. Dans les pays où cette ouverture totale à la concurrence est déjà ancienne, les prix ont connu une phase de baisse avant de remonter sensiblement ces dernières années. En France, où elle est toute neuve, les consommateurs n'ont connu que des hausses de tarifs et, comble de l'ironie, les monopoles - celui de l'électricité plus que celui du gaz - ont consolidé leurs positions. À l'abri, il est vrai, des tarifs réglementés maintenus pendant plusieurs années par un gouvernement soucieux d'une part de ne pas affaiblir ses champions énergétiques et d'autre part de s'éviter une fronde dans l'opinion. Que reste-t-il de l'intention de départ ? Le sentiment, largement relayé par les milieux eurosceptiques, que l'exécutif bruxellois a agi par idéologie plus que pour défendre les intérêts des consommateurs européens. Un faux procès, mais un vrai constat d'échec. Cet exemple, parmi d'autres, illustre à quel point il est difficile de " faire du concret " lorsque se conjuguent les aléas conjoncturels et les réticences des États, qui sont nombreuses. N'en déplaise à notre président volontariste, les avancées concrètes de l'Europe ne se décrètent pas. Il faudra là aussi aller les chercher avec " les dents " et préférer l'humilité à la performance.
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