La drôle de crise

Lors d'une crise immobilière, d'ordinaire, les acheteurs se font rares. Ils chipotent. Ils marchandent. Ils prennent le temps, puisque demain sera moins cher qu'aujourd'hui. Mais les acheteurs français n'en sont pas là, ils ont encore de l'appétit. " La Tribune " en a eu la preuve tout récemment : le titre de une de son édition du 20-21 juin, " La crise immobilière arrive en France ", était illustré d'une photo d'immeuble parisien avec un panneau " à vendre " et un numéro de téléphone. En milieu d'après-midi, un monsieur très mécontent appelait la rédaction : depuis le matin, il croulait sous les coups de fil de personnes intéressées par l'appartement... qu'il avait vendu en 2005 ! La maladresse technique - publier un numéro de téléphone lisible dans une simple image d'illustration - se révélait féconde, car elle montrait que l'intérêt restait vif pour un bien visiblement cher, un 100 m2 aux étages supérieurs d'un bel immeuble 1920.En France, la crise de l'immobilier est une drôle de crise, au sens de la drôle de guerre (entre septembre 1939 et mai 1940). Elle a commencé, pas de doute, mais ses effets sont encore peu sensibles. Les prix ont amorcé leur décrue en province mais, à Paris, ils résistent. Ils continuent même à augmenter, atteignant 6.430 euros le mètre carré en moyenne au premier trimestre. Le nombre de transactions diminue cependant et, désormais, tout pointe vers une baisse du marché. Le relèvement " possible " des taux directeurs de la Banque centrale européenne, jeudi, ne fera qu'entériner ce que les ménages désireux d'acquérir un logement expérimentent depuis plusieurs mois : le resserrement et le renchérissement du crédit.Ce n'est pourtant pas la hausse des taux, encore faibles déduction faite de l'inflation, mais bien l'explosion des prix depuis dix ans qui a eu raison des capacités de financement des ménages. Certains opérateurs admettent qu'un assainissement du marché ne serait pas forcément une mauvaise chose. Reste à savoir quels seront les effets de contagion de l'immobilier sur le reste de l'activité économique. A priori, ils semblent moins menaçants en France qu'en Espagne ou au Royaume-Uni. À moins que... La drôle de guerre, on s'en souvient, cessa à un moment d'être drôle.
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