La Banque de France s'inquiète d'une rentabilité insuffisante

Les banques françaises voient-elles enfin le bout du tunnel, après de longues années de vaches maigres ? A en croire le rapport annuel de la Commission bancaire, le redressement entrepris en 1995 s'est poursuivi et amplifié l'an dernier, puisque l'ensemble des établissements de crédit affiche, pour 1996, un résultat net de 13,2 milliards de francs. Ce chiffre est certes près du double de celui de l'an- née précédente (7,4 milliards de francs), mais reste extrêmement modeste, s'agissant de la somme de toute la profession. Par comparaison, selon les dernières statistiques du Federal Deposit Insurance Corp, l'organisme de garantie des dépôts aux Etats-Unis, les seules banques commerciales américaines ont gagné quelque 85 milliards de francs uniquement sur le premier trimestre de 1997. Toujours par comparai- son, le bénéfice 1996 de toutes les banques françaises représente à peine un peu plus des profits de la britannique Barclays pendant un semestre ! On comprend, dans ces conditions, l'insistance avec laquelle le gouverneur de la Banque de France, Jean-Claude Trichet, rappelle à intervalles réguliers l'impérieuse nécessité pour les banques françaises d'améliorer leur rentabilité. Une analyse de l'exercice 1996 souligne par elle-même les maux dont souffrent ces dernières. A l'évidence, le talon d'Achille de la profession demeure son exploitation en France, particulièrement sous- performante. Dans un climat de demande de crédits limitée et de baisse des taux d'intérêt, les banques continuent à se livrer une concurrence acharnée (lire ci-contre) qui n'en finit pas de faire des dégâts. Car, alors que les conditions faites à la clientèle ne cessent de se tendre, les banques paient leurs ressources plus cher, sous l'effet d'un déplacement spectaculaire des comptes à vue vers les comptes d'épargne à régime spécial rémunérés, qui représentent désormais 55,5 % de leurs dépôts totaux. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : alors que les comptes ordinaires créditeurs ont baissé de 1,6 % en 1996, les livrets ordinaires se sont accrus de 26,8 %, les livrets d'épargne populaire de 62,1 %, les plans d'épargne logement de 19,8 % et les plans d'épargne populaire de 14,8 %. Compte tenu de cette évolution, le produit net des opérations avec la clientèle a reculé de 9,2 % l'an dernier, tandis que la marge bancaire globale a fondu, revenant à 1,83 % contre 2,01 % en 1995. Il n'en faut pas davantage pour comprendre l'intense lobbying développé par les banquiers pour obtenir une baisse des taux réglementés qui fixent la rémunération des comptes d'épargne à régime spécial. Plus généralement, un nombre croissant de voix s'élèvent pour réclamer un transfert de compétences du gouvernement vers le Conseil de la politique monétaire (CPM) pour la fixation de ces taux, ou encore leur indexation sur des taux de marché. Mais le ministre des Finances, Dominique Strauss-Kahn, vient de rejeter de telles propositions. Les établissements sont donc allés chercher leurs bénéfices hors des frontières et sur les marchés, il est vrai particulièrement porteurs l'an dernier. Le contraste est particulièrement frappant s'agissant de la catégorie des banques affiliées à l'AFB (Association française des banques). Sur leur activité métropolitaine, celles-ci accusent une perte globale de 3,1 milliards de francs, qui s'explique par leur mauvaise rentabilité mais aussi par les grands sinistres de la place du type UIC, filiale bancaire du GAN qui a perdu près de 8 milliards de francs. En inté- grant leurs activités à l'international, leur situation est à peine équilibrée, avec un profit symbolique de 64 millions. Par ailleurs, alors que les frais généraux avaient été assez fortement comprimés en 1995 (+ 1,2 %), ils ont repris l'an dernier une croissance plus rapide (+ 2,9 %), du fait notamment du développement des banques à l'international. Le produit net bancaire (chiffre d'affaires) ayant crû dans les mêmes proportions (+ 2,5 % au total, mais seulement 1,1 % en France), le résultat brut d'exploitation (RBE) affiche une augmentation de 8,7 %. Mais là encore, l'amélioration vient surtout de l'étranger, puisque le RBE constaté en métropole est limité à 4,9 %. Ces derniers éléments ont permis aux banques françaises de ramener leur coefficient d'exploitation (frais généraux rapportés au produit net bancaire) à 73,8 % contre 74,8 % en 1995. Enfin, l'amélioration de la santé des banques françaises s'explique aussi par une meilleure maîtrise et un moindre coût du risque puisque l'encours brut des créances douteuses a reculé de 9,4 %, revenant légèrement au-dessus de 500 milliards de francs. Les banques ont ainsi pu lever encore un peu le pied sur les provisions, dont les dotations ont reculé de 9,2 % en 1996, pour atteindre 58,6 milliards de francs. Au total, le taux de couverture des créances douteuses est passé de 51,9 à 57,1 % entre 1995 et 1996. Gaëtan de Capèle
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