La mécanique du travail au « noir »

« Après les grèves, toutes les entreprises sont dans l'expectative », constate Eléonore Domingos, présidente de Cime 94, une association intermédiaire d'insertion. « Ici, les entreprises proposent peu de CIE (contrat initiative-emploi) et beaucoup de temps partiel. Or un temps partiel ne permet pas de payer un loyer. » « Payer le loyer ! », voilà l'unité de compte des cités, celle qui sert de référence à toutes les transactions. Il faut au moins un Smic pour y faire face. Dans cette vision de la vie quotidienne, les aménagements du droit du travail montrent leurs limites. Un exemple : les CES (contrat emploi-solidarité) destinés principalement aux administrations et aux associations publiques, sont par définition des mi-temps. L'autre moitié du temps, le bénéficiaire n'a officiellement pas le droit de travailler. Ce qui incite soit à travailler au « noir », soit à trouver des palliatifs pour compléter un revenu insuffisant... Le chèque service destiné aux particuliers règle certains problèmes. Mais, couvrant des périodes maximales de huit heures par semaine, il en soulève d'autres. Un chômeur, par exemple, répond à une annonce. L'employeur a un besoin effectif de vingt heures de travail. Le paiement intégral par chèque service est impossible. Seule solution possible : que douze heures ne soient pas déclarées. Incidence pour le chômeur : pas de justificatif intégral du salaire perçu. Le document fera défaut lorsqu'il faudra prouver une source de revenus afin de pouvoir conserver son domicile ou pour obtenir des aides. De plus, le seul justificatif prévu par le système est envoyé à l'intéressé par l'Urssaf sous forme de récapitulatif avec un décalage d'un mois ou même plus. La réglementation appliquée par l'administration est bien loin de la réglementation vécue par les demandeurs d'emplois des banlieues. Par exemple, lorsque les agents de l'ANPE expliquent à un chômeur que, pour tout travail de plus de soixante-dix-huit heures par mois, son indemnité chômage sera réduite d'autant, la réaction du demandeur d'emploi est immédiate : « Je préfère rester au chômage. » Quitte à accepter un autre travail, cette fois non déclaré. Au-dessous d'un certain seuil de pauvreté, le principe de la transparence des revenus n'a plus aucune valeur reconnue.
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