L'opérateur public lance une offensive contre l'interconnexion

L'offensive juridique de France Télécom contre la réglementation prend de l'ampleur. L'opérateur public, qui a déposé un recours devant le Conseil d'Etat contre le décret sur l'interconnexion (La Tribune du 11 juin), ne vise pas, comme il le laissait entendre, quelques dispositions mineures du texte. Selon nos informations, les motivations du recours reposent en effet sur deux dispositions clés du décret : la définition du contenu du catalogue et la méthode de calcul des coûts. France Télécom affirmait néanmoins hier « ne pas vouloir mettre à bas le catalogue ou le décret ». L'interconnexion est un élément essentiel dans le dispositif réglementaire organisant l'ouverture du marché français des télécoms à la concurrence : il s'agit des modalités techniques et financières permettant aux opérateurs privés de se brancher sur le réseau de l'opérateur public. Or le recours déposé par France Télécom vise à annuler le fondement juridique du catalogue tarifaire d'interconnexion et à bloquer l'évolution des tarifs vers les coûts, gelant ainsi les tarifs au niveau de ceux négociés en avril et devant s'appliquer pour 1998. L'opérateur public estimerait ainsi que la loi de réglementation ne prévoyait pas que le décret sur l'interconnexion détermine le contenu du catalogue tarifaire ; une tâche devant revenir, selon l'opérateur, à l'Autorité de régulation des télécoms (ART). Toutes les conventions d'interconnexion signées entre France Télécom et les opérateurs privés étant basées sur le catalogue, quelle serait leur valeur juridique si le décret est annulé ? Tarifs d'interconnexion. Le deuxième motif du recours touche un sujet encore plus sensible. Pour France Télécom, la détermination des tarifs d'interconnexion repose, selon la loi, uniquement sur les éléments de réseau utilisés. Or le décret irait plus loin en prévoyant que les tarifs devraient être orientés vers les coûts - ce qui nécessite une nouvelle méthode de calcul dite des coûts incrémentaux à long terme - et comparables aux tarifs d'interconnexion en vigueur dans d'autres pays. Manifestement, France Télécom refuse la mise en oeuvre decette méthode de calcul qui devait entrer en application pour déterminer les tarifs d'interconnexion pour 1999. Or, les opérateurs privés comptent sur cette méthode pour faire baisser fortement les tarifs d'interconnexion de France Télécom. Une perspective qu'avait démentie Gérard Moine, le directeur des relations extérieures de France Télécom, dès le mois d'avril lors de la publication par l'ART des tarifs d'interconnexion pour 1998, en affirmant déjà que la marge de baisse des tarifs était très faible. Le recours de France Télécom a provoqué un certain malaise parmi les opérateurs privés, d'autant que l'ART a annulé sans raison officielle une réunion du comité de l'interconnexion qui devait avoir lieu hier et qui devait se pencher sur la méthode des coûts incrémentaux à long terme. « Il n'y a aucun lien entre l'annulation de la réunion et le recours », affirmait hier l'ART, en précisant que « sa capacité de travail n'est en rien affectée » par les actions entreprises par France Télécom. Mais l'offensive juridique de l'opérateur public lui permet d'acquérir une position de force pour les négociations à venir. Thierry Gadault
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