Guinness convoiterait les alcools de GrandMet

En raison de la quasi-stagnation du marché des alcools dans les pays développés, les rumeurs d'alliance, de fusion ou d'offre publique d'achat hostile entre les divisions spiritueux des deux géants nationaux que sont Guinness et GrandMet sont récurrentes à la City. Sur le papier, il ne fait pas de doute que la combinaison des activités de United Distillers (UD) côté Guinness, et de International Distillers & Vintners (IDV) côté GrandMet, donnerait naissance au champion du monde toutes catégories sur le secteur, propriétaire de la totalité des plus grandes marques de whisky, de gin et de vodka. Ainsi le Sunday Telegraph s'est-il une nouvelle fois cru autorisé à ti-trer dans ses éditions d'hier « Guinness prépare une OPA de 13,2 milliards de livres sur Grand-Met », en s'appuyant sur des « fui-tes » en provenance de Lazard, la banque d'affaires de Guinness. Si ces informations sont exactes, un tel montant (l'équivalent de près de 106 milliards de francs) correspondrait à l'une des plus colossales opérations de fusion-acquisition jamais réalisées, dotée d'un effet de levier très significatif puisqu'elle se situerait 50 % au-dessus de la capitalisation boursière actuelle de GrandMet (8,8 milliards de livres). Aucune intention de déclencher une opération hostile Une nouvelle fois encore, Christopher Davidson, le porte-parole du groupe dirigé par Tony Greener et dont le français LVMH détient toujours 20 % du capital (voir ci-dessous), a démenti hier ces rumeurs. Il a déclaré que « Guinness n'a aucune intention de déclencher une opération hostile sur GrandMet, pas plus que de se lancer dans une opération de scission entre ses activités bière et alcools », cette dernière hypothèse figurant également dans le document de travail de Lazard, véritable plan de bataille baptisé « projet réflexion ». Très pratiquée par les grands groupes britanniques en quête d'optimisation de leurs actifs (et tout juste inaugurée en France avec la scission du groupe Chargeurs), la technique du « demerger » pourrait en effet parfaitement s'appliquer à Guinness dont la partie brasserie (Guinness Brewing Worldwide, ou GBW) a vu ses résultats progresser de 7 % à 270 millions de livres en 1995, tandis qu'un United Distillers, il est vrai en pleine restructuration, voyait les siens reculer de 4 %, à 673 millions de livres. Selon les banquiers d'affaires de Lazard, la scission permettrait de beaucoup mieux valoriser GBW, dont la capitalisation boursière pourrait atteindre 3,7 milliards de livres (près de 30 milliards de francs) une fois débarrassée du poids des spiritueux. Cette solution est régulièrement présentée comme un bon moyen pour Tony Greener de faire cesser le piétinement de son groupe (le chiffre d'affaires de Guinness a quasiment stagné l'année dernière à 4,68 milliards de livres, le résultat avant impôts global reculant de 4 % compte tenu des frais de restructuration). Mais la direction de Guinness continue à l'exclure officiellement, même si elle ne dément ni l'existence du document de Lazard, ni la réalité des discussions stratégiques avec la banque d'affaires, « qui font partie des relations normales de toute grande entreprise avec ses conseils ». Le porte-parole de Guinness s'est toutefois déclaré « très préoccupé de voir des documents aussi confidentiels faire surface dans la presse », et on peut s'attendre à des explications houleuses dès aujourd'hui dans les bureaux feutrés de Lazard ou du siège de Guinness, près de Marble Arch. GrandMet, qui n'a pas fait de commentaires hier, ferait sans doute l'objet d'un « dépeçage » si l'hypothèse d'un rapprochement UD-IDV se concrétisait, car Guinness financerait la majeure partie de son acquisition en cédant non seulement GBW (3,7 milliards de livres), mais aussi la division alimentation de GrandMet (5 milliards de livres, et Burger King (2,5 milliards de livres). Michel Roland, à Londres
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.