Le Pays basque espagnol abandonne l'acier

Pour le Pays basque espa-gnol, la date d'hier marquera la fin d'une ère : celle du fer, qui aura forgé près d'un siècle de son histoire. Le dernier haut-fourneau de la région, Maria Angeles, comme l'appelaient familièrement ses travailleurs, construit en 1968 et situé à Sestao, dans la ceinture d'acier du nord de Bilbao, a été définitivement éteint. Au moins pour l'Espagne, car il sera démantelé et transféré à Mangalore, un grand centre sidérurgique de l'Etat indien de Mysore. Les deux autres hauts-fourneaux de la région avaient été fermés en 1992 et 1995. Il ne reste plus que deux hauts-fourneaux à fonctionner en territoire espagnol, à Aviles, dans les Asturies. La disparition de Maria Angeles symbolise une étape clé dans la reconversion du secteur espagnol de l'acier, qui a particulièrement affecté AHV (Altos Homos de Vizcaya), la compagnie sidérurgique basque dont les mésaventures ont conditionné toute l'histoire économique récente de la région. Elle fut fondée en avril 1902 avec 6.000 travailleurs, à proximité de gisements de fer. Les navires anglais jetaient l'ancre à Bilbao pour charger le minerai et apportait en retour le coke nécessaire au fonctionnement des hauts fourneaux. Le maintien, durant des décennies, d'un strict protectionnisme permit certes à AHV de se développer commodément, dans un contexte de demande supérieure à l'offre, mais ne contribua guère au renouveau technologique del'entreprise. En 1972, AHV alors au zénith employait plus de 13.000 personnes. Lorsque la crise du secteur survint au milieu des années 1970, le régime franquiste procéda comme de coutume à une socialisation des pertes : l'Etat prit le contrôle de l'entreprise en 1978. Mais il fallut attendre près d'une décennie supplémentaire pour que les socialistes, aiguillonnés par l'imminence de l'entrée au sein de la Communauté, entreprennent une véritable reconversion de AHV et de Ensidesa, sa consoeur des Asturies, toutes deux regroupes au sein de la Corporacion Siderurgica Integral (CSI). Augmentation de la productivité, réduction de la main-d'oeuvre et de la capacité de production, modernisation technologique, réorientation vers les produits de plus grande valeur ajoutée furent les nuveaux mots d'ordre. La capacité totale de production de la CSI s'est ainsi réduite, entre 1986 et 1995, de 21,5 à 17,5 millions de tonnes (la pro- duction réelle a atteint, en 1995, 13,8 millions, soit un taux d'utilisation des installations de 79 %). Un traitement de choc socialement meurtrier Depuis 1990, la CSI a réduit le nombre de ses salariés (36.300 personnes à l'époque) d'un tiers ; la productivité annuelle passant de 357 à 561 tonnes par personne. La CSI a ainsi retrouvé le chemin des bénéfices : 30 milliards de pesetas (1,2 milliard de francs) en 1995, une année marquée par une forte hausse de la demande en Espagne. Mais si ce traitement de choc fut bénéfique, il fut socialement meurtrier. Maria Angeles et ses derniers 300 travailleurs, peuvent en témoigner. Thierry Maliniak, à Madrid
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