Bertrand Méheut s'attaque aux défis du nouveau Canal-TPS

Quatre ans - moins un mois - après sa nomination comme PDG du groupe Canal Plus, Bertrand Méheut pourra se féliciter ce soir du chemin parcouru. En apposant sa signature au bas du contrat d'achat du bouquet satellite TPS, pour clore définitivement une opération annoncée en décembre 2005, il achève la restauration de la position de leader incontesté de Canal Plus dans la télévision payante française (9,5 millions d'abonnés). Pour s'y maintenir, il entame aujourd'hui la seconde manche de sa partie à la tête du groupe. Elle risque d'être aussi difficile à jouer que la première.Quand Bertrand Méheut a repris les rênes du groupe Canal Plus début 2003, quelques mois après la crise qui avait secoué son actionnaire Vivendi, emportant le PDG Jean-Marie Messier, personne ne donnait cher du groupe télévisuel. La chaîne Canal Plus perdait des abonnés, la filiale italienne était un gouffre, le départ au printemps 2002 du patron historique Pierre Lescure avait laissé l'entreprise déboussolée. Quatre ans plus tard, tous les indicateurs ont viré au vert.COUP DE POKERBertrand Méheut, dirigeant austère et (faussement ?) modeste dans l'industrie chimique, repéré chez Aventis par un Jean-René Fourtou venu redresser Vivendi, était étranger au microcosme et aux paillettes des saltimbanques de l'audiovisuel. Il a appliqué sans état d'âme une restructuration industrielle classique : vente des filiales déficitaires, plan social, gestion serrée... L'offre numérique de Canal Plus (Le Bouquet) avec cinq chaînes pour le prix de l'unique chaîne analogique séduit à nouveau les abonnés. L'exploitation est redevenue positive (148 millions d'euros au troisième trimestre 2006).Bertrand Méheut a pu compter sur le soutien sans faille de son actionnaire Vivendi, qui a annulé 3 milliards d'euros de créances sur sa filiale, et cautionné l'achat de l'exclusivité des droits de la L1, pour un montant ahurissant de 1,8 milliard d'euros sur trois ans. Un coup de poker qui fut aussi le coup de grâce porté au concurrent TPS, qui avait réussi depuis 1999 à s'offrir une partie du championnat de football français. Avec pour couronnement ce mariage de raison qui donne naissance à un nouvel ensemble, Canal Plus France, détenu à 65 % par Vivendi, aux côtés de Lagardère (20 %), TF1 (9,9 %) et M6 (5,1 %).À partir d'aujourd'hui, il ne s'agit plus de solder les erreurs du passé, mais de dessiner l'avenir. Bertrand Méheut, dont la dernière mission dans l'industrie chimique avait été d'assurer le suivi de la reprise d'Aventis CropScience par Bayer, a l'expérience. À court terme, le chantier qui s'ouvre est balisé : rapprocher deux entités, faire converger les offres auprès des abonnés et réussir à faire passer les presque 2 millions d'abonnés analogiques de la chaîne Canal Plus au numérique. Le 12 janvier, les comités d'entreprise de Canal Plus et de TPS seront informés de la restructuration prévue, qui doit éliminer les doublons et dessiner une nouvelle organisation.Sous des dehors flegmatiques, Bertrand Méheut est un impatient. Il veut avoir achevé l'intégration de TPS à l'été. Le nouveau plan social sera donc mené sans délai, alors que des décisions lourdes de conséquences sont encore en suspens. Le nouveau Canal Plus décidera courant janvier s'il diffuse l'ensemble de ses chaînes sur le système satellite Astra (utilisé aujourd'hui par CanalSat). Il faudrait alors réorienter les paraboles du 1,2 million d'abonnés TPS, aujourd'hui tournées vers Eutelsat.FONDAMENTAUX FRAGILESEnsuite, c'est d'une vision stratégique à long terme dont Canal Plus a besoin. Car même restaurés, les fondamentaux du groupe restent fragiles et la rentabilité modeste. L'absorption de TPS peut laisser espérer une stabilisation, voire une légère décrue du prix des droits sportifs, et des films américains. Mais les opérateurs de télécommunications, France Télécom en tête, sont partis à la chasse aux contenus. Et les modes de consommation de la télévision évoluent. Quand télécharger un film sur sa télévision reliée à l'ADSL sera devenu une pratique courante, simple comme un clic de télécommande, l'abonnement à 30 euros par mois pour cinq chaînes ne perdra-t-il pas définitivement toute attraction ? Autant de réponses à trouver par Bertrand Méheut, si le redresseur d'entreprise veut laisser la trace d'un bâtisseur d'avenir.
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