La chute de Colonial marque la fin de l'empire de Luis Portillo

Grandeur et décadence pour Luis Portillo, patron en déroute d'Inmobiliaria Colonial ! Il y a quinze jours encore, paré de son aura de triomphateur, il semblait pouvoir négocier à sa guise les conditions d'une fusion avec Gecina. Mais, depuis, son empire chancelle, victime des incertitudes qui pèsent sur l'immobilier espagnol. Vendredi dernier, il démissionnait de la présidence de l'entreprise, poussé dehors par les autres actionnaires qui avaient vu, épouvantés, le titre chuter en Bourse de 37,7 % en quarante-huit heures à peine. Lundi, Colonial décidait la vente d'actifs pour 309 millions d'euros à La Caixa et Abertis. Et hier, elle annonçait au régulateur boursier, qui avait suspendu le cours, qu'elle allait réduire sa participation au sein de la Société Foncière Lyonnaise (SFL), actuellement de 84,4 %, à moins de 60 %.UNE DETTE DEPASSANTLES 9 MILLIARDS D'EUROSLa chute est spectaculaire après un parcours qui parut longtemps sans faute. Car rien ne semblait jusque-là pouvoir résister à Luis Portillo, ce bulldozer de la brique, ce stakhanoviste de la croissance qui se précipitait sur toutes les cibles. Parti de rien, il était parvenu, sans coup férir, à la tête d'un empire immobilier de 12,9 milliards d'euros d'actifs. Et il ignorait avec superbe les avertissements de ceux qui criaient casse-cou, s'inquiétant de l'augmentation galopante d'une dette dépassant désormais les 9 milliards d'euros, soit plus de deux tiers du volume des actifs.Rien ne semblait alors arrêter la carrière fulgurante de ce fils d'un maître maçon en charge d'un petit atelier de sous-traitance à Dos Hermanas, un bourg près de Séville. Luis Portillo rejoint vite l'atelier de son père, abandonnant les études, à peine terminé le lycée. Devenu seul maître à bord, il se lance dans la construction de logements à prix subventionnés, un secteur à la croissance lente mais sûre. En deux ans, l'atelier passe de 50 à 1.000 travailleurs et, à 25 ans, Luis Portillo crée sa première société, Expo-An, afin de lancer ses propres promotions immobilières. Pour financer la première, notre homme doit même hypothéquer sa maison. Le moment est alors propice, à l'approche de l'Exposition universelle de Séville de 1992, qui lui donne le coup de pouce définitif. Bien implanté dans la ville, il se voit confier par les compagnies adjudicataires de l'Expo une foison de travaux de sous-traitance.Devenu incontournable dans la région, il commence à essaimer. Tout en restant centrée sur l'immobilier, Expo-An s'élargit aux transports, à l'agriculture, à l'alimentation (l'homme devient même propriétaire d'un collège privé). Mais Luis Portillo, austère, discret, n'aimant guère les mondanités, reste encore un inconnu hors de Séville. Jusqu'à ce qu'il achète 5,6 % de l'immobilière Metrovacesa, afin d'épauler son président de l'époque, Joaquín Rivera. La compagnie fait alors l'objet d'une tentative de prise de contrôle hostile par la société italienne Caltagirone. La bataille boursière fait monter en flèche la valeur de cette participation.Désormais lancé, à 43 ans, il accélère le rythme. C'est d'abord, en août 2005, une OPA (offre publique d'achat), à 250 millions d'euros, sur Inmocaral. Née en 1956, sous le nom de Fosforera Española, comme fabricante d'allumettes, cette compagnie s'était ensuite transformée en holding de participations industrielles, avant de s'orienter vers l'immobilier à partir de 2001. Luis Portillo troque la présidence d'Expo-An pour celle d'Inmocaral. Avant de gagner définitivement sa place en " première division " : en juin 2006, l'ancien maçon sévillan lance une OPA de 3,7 milliards d'euros sur Inmobiliaria Colonial, dont le patrimoine est 50 fois supérieur à celui d'Inmocaral ! Il a l'appui du premier actionnaire de Colonial, la puissante Caixa.APPETIT DE PUISSANCEPour financer l'opération, Inmocaral se livre à la plus grande augmentation de capital de l'histoire de l'immobilier espagnol : 2,7 milliards d'euros. Luis Portillo réussit à rafler 93 % des titres de Colonial. Il en devient rapidement le nouveau patron. Au passage, il entre sur le marché français, grâce à la SFL, que Colonial contrôlait depuis 2004. Mais tout cela n'a pas étanché son appétit de puissance. Fin 2006, il achète les 15 % de FCC, un des grands groupes d'immobilier et de BTP, mis en vente par Acciona. En janvier 2007, il lance une OPA sur Riofisa, spécialisée dans les centres commerciaux. Jusqu'à ce que les marchés, finalement, sifflent les arrêts, effrayés par ce marathon échevelé !ParcoursNé en 1962 près de Séville, Luis Portillo est le fils d'un maçon, propriétaire d'un petit atelier de sous-traitance. Après avoir repris l'entreprise familiale, il se lance dans la promotion immobilière, avec sa société Expo-An. D'abord ancré dans la région de Séville, il s'étend dans toute l'Espagne, en reprenant Inmocaral puis Colonial. Vendredi, les actionnaires l'ont contraint à démissionner.
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