Bengt Baron va faire payer cher la tournée d'Absolut

Bengt Baron s'apprête à vivre ce qui pourrait être le plus important événement de l'année sur le marché des spiritueux. La vente de la fameuse vodka Absolut. Depuis que Stockholm a annoncé le 11 décembre son intention de privatiser le groupe Vin & Sprit, détenteur de la deuxième " petite eau " (vodka en russe) au monde, le PDG de l'entreprise sait qu'il va assister à un bal effréné de prétendants. Certes, ce n'est pas lui qui mènera les enchères, confiées à Morgan Stanley. Mais il sera aux premières loges pour assister aux assauts des Diageo, Pernod-Ricard et autres Fortune Brands. Les prochaines semaines devraient être décisives, les offres étant attendues pour la fin janvier selon Reuters. Objectif du gouvernement suédois, boucler l'opération cette année.UN PRODUIT CULTEBengt Baron sait qu'Absolut est le joyau de Vin & Sprit. Son or blanc. Elle ne réalise que 55 % des ventes du groupe (625 millions d'euros sur 1,12 milliard en 2006) mais dégage la quasi-totalité de son résultat opérationnel (203 millions sur 234). D'autant qu'une vodka, c'est un produit culte et une success story marketing. Jouant l'esthétique et le décalage, la marque s'est imposée en créant en permanence l'événement, à coups de bouteilles habillées par de grands créateurs - Andy Warhol, Lenny Kravitz ou Stella McCartney - ou de campagnes signées par de jeunes artistes des rues. Sans oublier les séries collectors et les parfums qui sortent chaque année (citron, vanille, caramel...).Bengt Baron, installé à la tête de Vin & Sprit depuis 2001, a martelé ce registre branché, inhabituel de la part d'un vénérable groupe public créé en 1917. Mais cet homme issu du secteur privé - il a fait ses classes chez McKinsey, Coca-Cola et Kodak - n'a pas eu de mal à continuer à imposer à Vin & Sprit une gestion et un marketing de multinationale. Il est vrai qu'il jouait sur du velours, tant la " petite eau " profite d'un contexte porteur.Sur un marché mondial des al-cools en hausse de 2,9 % en volume en 2006, les alcools blancs progressent de 4,6 %... et la vodka seule, de 6,8 %. Catégorie d'alcool la plus vendue au monde, elle profite de l'engouement pour les cocktails. Permettant plus de mélanges que le whisky, elle séduit de nouveaux adeptes, surtout chez les jeunes. En outre, les groupes de spiritueux ont largement poussé cet alcool très rentable car il n'est pas cher à fabriquer et n'exige aucun vieillissement gourmand en capitaux. Un environnement qui pourrait justifier des enchères record pour emporter Vin & Sprit. On évoque un montant de 5 milliards d'euros, soit 5 fois le chiffre d'affaires du groupe et 20 fois son bénéfice opérationnel. Cette manne, qui entre dans un programme de privatisations de 6 groupes publics dont l'État espère récolter 21 milliards d'euros, sera mise au service de la réduction du déficit public.MAINTIEN DE L'OUTIL INDUSTRIEL SUR LE SOL SUEDOISAncien champion olympique de natation, Bengt Baron va désormais se placer au bord du bassin pour chronométrer les avancées des compétiteurs qui s'apprêtent à plonger sur Absolut. Avec d'autant plus de sérénité que, en Suède, la vente de ce fleuron de l'industrie nationale n'émeut guère. Depuis que Vin & Sprit a fait état, juste après l'annonce de la mise aux enchères, de son intention d'investir pour gonfler la capacité de production d'une distillerie dans le sud du pays, la Suède est rassurée sur le maintien de l'outil industriel sur le terrain national.Reste à savoir qui va enchérir, et pour combien. Le plus attendu est le britannique Diageo. Mais, si le numéro un mondial des spiritueux a l'avantage de bien connaître Absolut, qu'il a distribuée dans le passé, il possède déjà Smirnoff, la marque la plus vendue au monde. Autant dire que, s'il l'emportait, il se heurterait à de sérieux problèmes de concurrence dans plusieurs pays. Contraintes qui pourraient faire les affaires du numéro deux mondial des spiritueux, Pernod-Ricard. Ne détenant pas de vodka dans son portefeuille, le français a fait sa priorité du rachat d'Absolut - ou de la vodka russe Stolichnaya. Mais il faudra aussi compter avec l'américain Fortune Brands. Le groupe fait figure de favori pour certains analystes dans la mesure où il distribue Absolut aux États-Unis. Sans oublier le groupe des Bermudes Bacardi, qui a déjà acquis la vodka Grey Goose. Une bataille de titans donc, au sein de laquelle le seul candidat " national ", le fonds d'investissement suédois EQT, ne peut espérer le soutien d'un quelconque patriotisme. Sans états d'âme, Stockholm entend avant tout tirer le meilleur prix d'Absolut.ParcoursNé en 1962 en Suède, Bengt Baron a d'abord été un nageurde haut niveau. Champion olympique du 100 mètres dos à Moscou en 1980, il décroche la médaille de bronze avec le relais 4x100 mètres nage libre à Los Angeles en 1984. Il entame ensuite des études de gestion à l'université de Berkeley aux États-Unis, où il obtient un MBA en 1988. De retour à Stockholm, il travaille d'abord pour le groupe de conseil McKinsey puis pour Coca-Cola et Kodak . Il a été nommé PDG de Vin & Sprit en 2001.
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