Jean-Paul Agon fait souffler un vent nouveau sur L'Oréal

Irremplaçable, Lindsay Owen-Jones ? En moins de deux ans, Jean-Paul Agon, 51 ans, dont certains raillaient le manque de charisme au lendemain de son arrivée à la tête de L'Oréal, est parvenu à imprimer sa marque. En menant à bien l'acquisition de Body Shop, puis en signant un accord qui doit lui permettre de s'emparer d'Yves Saint Laurent (YSL) Beauté, ce L'Oréalien " pur jus " s'est imposé comme celui qui a fait voler en éclat le credo défendu pendant dix-huit années par son prédécesseur.Sous l'ère " OJ ", comme le surnommaient ses collègues, L'Oréal ne jurait que par la croissance interne. Lindsay Owen-Jones a certes signé une grosse acquisition, comme Maybelline aux États-Unis (rachetée 750 millions de dollars en 1996), qu'il a transformée en marque internationale. Mais il n'a jamais sauté le pas pour s'emparer de grandes griffes mondiales, privilégiant des cibles de petite taille, avec des opérations portant sur quelques dizaines de millions d'euros.UNE ENTREE DANS LE HAUT DE GAMME AVEC YSL BEAUTEJean-Paul Agon, lui, a tout de suite vu grand. Il n'a pas hésité à mettre 652 millions de livres (soit 940 millions d'euros au cours de l'époque) sur la table pour Body Shop en mars 2006. Et l'accord qu'il a conclu avec PPR pour s'adjuger YSL Beauté tourne autour de 1,15 milliard d'euros. Cette acquisition en particulier annonce un virage important. Après avoir construit sa renommée dans les rayons des grandes surfaces grâce aux shampooings Fructis de Garnier et aux rouges à lèvres Maybelline, le groupe devient un acteur du luxe à part entière. Certes, il détenait déjà les licences Armani et Ralph Lauren ainsi que la marque Lancôme, mais des griffes telles que Yves Saint Laurent et Boucheron lui ouvrent l'accès au très haut de gamme.Le nouvel homme fort de L'Oréal avait prévenu dès sa prise de fonction : " La croissance externe n'est pas contradictoire avec la croissance interne. Elles se complètent et se nourrissent l'une de l'autre ", déclarait-il alors. Une façon de rendre hommage à la stratégie menée par OJ tout en laissant comprendre qu'avec lui, ce serait différent. Désormais, L'Oréal ne se contente plus de jeter un oeil aux dossiers qui passent. Le groupe, déjà leader mondial des cosmétiques, va au devant de ces opérations.Un changement de stratégie qui s'est accompagné d'un rajeunissement des équipes, depuis le top management jusqu'au service de communication. En janvier, Patrick Rabain, 61 ans, qui dirigeait depuis onze ans la division grand public (52 % des ventes) a annoncé son départ à la retraite. Il est remplacé par un L'Oréalien de 44 ans, Jean-Jacques Lebel, jusqu'ici président de la branche Produits professionnels. En outre, Jean-Paul Agon a remanié il y a un an le " comex " pour le féminiser et l'internationaliser. Jusqu'alors composé de 10 membres, il a accueilli 3 recrues supplémentaires : Brigitte Liberman, 50 ans, responsable de la branche cosmétique active, Jochen Zaumseil, 50 ans, patron de l'Asie et Joseph Bitton, 63 ans, en charge de l'Amérique latine.Du côté de la communication institutionnelle, l'époque du " vivons heureux, vivons cachés ", semble révolue. L'équipe a reçu pour mot d'ordre d'être plus réactive, voire proactive dans ses rapports avec les médias. Faut-il y voir une conséquence des années passées par Jean-Paul Agon au contact des médias anglo-saxons lorsqu'il dirigeait les activités américaines de L'Oréal ?CURE DE JOUVENCE AU SIEGE Enfin, changement symbolique mais révélateur, même le siège historique de Clichy va bénéficier d'une cure de jouvence. Ce qui ne sera pas un luxe, car le site est resté quasiment inchangé depuis 1976. Il devrait bientôt s'agrandir de plus de 8.000 m2. Les travaux ont été confiés à Jean-Michel Wilmotte, spécialiste de l'architecture d'intérieur, qui a déjà travaillé sur l'aménagement de sièges sociaux de grands groupes français.Ainsi, bien qu'il jure se contenter d'accélérer le modèle L'Oréal sans le changer, Jean-Paul Agon ne peut nier qu'il y a fait souffler un vent nouveau ces vingt derniers mois.Le changement s'est d'ailleurs traduit dans les résultats. Dès 2006, L'Oréal, qui avait accusé une baisse de régime en 2004 et 2005, a renoué avec un niveau de croissance interne digne de ses plus belles années (8,7 %), qui s'est confirmé en 2007 (8 %). "Pour 2008, nous sommes optimistes malgré l'environnement économique incertain. Nous sommes confiants dans notre capacité à réaliser une croissance du chiffre d'affaires dans la fourchette de 6 à 8 % à données comparables", estime Jean-Paul Agon.
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