Année de tous les défis pour le patron d'Air France-KLM

J'hésite à qualifier l'année 2008. Elle est peut-être l'année de tous les accomplissements pour Air France et Air France-KLM, elle est peut-être l'année de tous les dangers. " En ce vendredi de janvier au siège d'Air France où il a réuni ses cadres, Jean-Cyril Spinetta, PDG à la fois d'Air France depuis onze ans et du groupe Air France-KLM depuis le rachat de la compagnie hollandaise en mai 2004, rappelle les énormes enjeux qui se profilent pour la compagnie en 2008.Dans sa stratégie de bâtir " un groupe européen à fortes racines françaises ", capable de faire partie dans les dix à quinze ans des géants du transport aérien mondial, Jean-Cyril Spinetta appuie sur l'accélérateur. Sur tous les fronts. Fin décembre, le groupe a acheté, pour un montant non communiqué, la petite compagnie belge VLM, stratégique avec 25 % des créneaux horaires à London City Airport à deux pas des quartiers d'affaires. Prochainement, il va investir en Chine dans la création d'une compagnie cargo en collaboration China Southern. Deux " en-cas " au regard de deux autres projets stratégiques majeurs.ASSURER LES POSITIONS FRANCAISES AUX ÉTATS-UNISLe premier est américain. Air France-KLM entend bien entrer au capital de l'entité qui pourrait naître de la fusion de ses deux partenaires américains dans l'alliance Skyteam, Delta et Northwest. Ce projet en gestation depuis de longs mois ( " La Tribune " du 13 avril 2007) est purement défensif. Il vise à assurer les positions françaises aux États-Unis en évitant un basculement d'alliance de Delta. Le soutien financier français rend " l'option Northwest " beaucoup plus attractive pour certains administrateurs de Delta, plutôt favorables à l'origine à un rapprochement avec United (membre de l'alliance concurrente Star Alliance). Jean-Cyril Spinetta semble avoir gagné son pari. L'annonce d'une fusion Delta-Northwest serait imminente. De quoi mettre le groupe dans une posture favorable à l'heure de la libéralisation du ciel transatlantique début avril. Ce mariage conforterait l'accord de partage des coûts et de recettes, signé en octobre entre Air France et Delta. Le plus haut niveau de partenariat dans l'aérien.Le second projet est italien avec la difficile reprise d'Alitalia. L'affaire était bien partie. Mais la démission du gouvernement Prodi change la donne. Faut-il attendre le résultat des nouvelles élections mi-avril pour faire une offre ferme ? Ou bien s'en tenir à l'échéance fixée à la mi-mars, compte tenu de la santé catastrophique de la compagnie italienne, proche de la cessation de paiements ? Ce dernier scénario paraît tenir la corde.Tout cela représente de lourds investissements financiers en très peu de temps, ce qui inquiète en interne. D'autant plus qu'Air France-KLM risque fort de devoir payer prochainement une amende très lourde (300 millions d'euros selon des analystes) dans le cadre de la vaste enquête sur des ententes tarifaires dans le cargo, lancée par Washington et Bruxelles.Le groupe peut supporter de telles sorties de cash. Ses moyens sont considérables. Sa trésorerie s'élevait à 5,1 milliards d'euros au 31 décembre 2007. Il dispose aussi d'une ligne de crédit de 1,9 milliard. Mais les craintes sont ailleurs. " Ces engagements interviennent au moment où l'économie ralentit mais aussi où le climat social n'est pas serein ", explique-t-on au sein d'Air France. Cet automne, Jean-Cyril Spinetta n'a pas vu monter le mécontentement des salariés. Constatant les résultats record du groupe (1,2 milliard d'euros de résultat d'exploitation l'an dernier), ces derniers exigent leur part. La direction est en partie responsable. En mettant en avant ses résultats, elle a oublié de préciser que la performance économique d'Air France " est parmi les plus faibles d'Europe, derrière KLM, British Airways et Lufthansa ".ACCORD SALARIAL GENEREUX Face à cette grogne, Jean-Cyril Spinetta vient de signer un accord salarial généreux avec la quasi-totalité des syndicats, dont la CGT. Il lui reste encore à obtenir un résultat favorable au référendum sur le système de rémunération des hôtesses et stewards. Et bien gérer le dossier de l'intéressement, calculé désormais de manière proportionnelle au salaire. Le groupe va devoir jouer serré. Jean-Cyril Spinetta le sait et a averti ses troupes. " Je ne créerai pas de conditions mettant en cause l'avenir de l'entreprise et de ses salariés. Je n'irai pas au-delà de ce que je crois possible. Si ce discours de raison n'était plus entendu [...], j'en tirerai les conséquences. " C'était un vendredi de janvier riche d'enseignements.
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