Chute de la dernière icône du patronat allemand

C'est à la fin de l'année qu'il aurait dû quitter la présidence de la Deutsche Post après dix-huit ans de bons et loyaux services. Un gala de fête, un livre, plusieurs manifestations d'envergure devaient couronner la carrière de celui qui a fait d'un établissement public le numéro un mondial de la logistique et des services postaux. C'est finalement aujourd'hui que Klaus Zumwinkel va quitter la Deutsche Post. Par la petite porte, montré du doigt par ceux qui, hier encore, vantaient ses talents. Cloué au pilori par ses pairs. Sous l'incompréhension des quelque 520.000 salariés. Il avait plutôt une réputation d'homme intègre même si quelques critiques ces derniers temps avaient entamé sa réputation. La chancelière allemande l'appelait régulièrement. Le SPD et les syndicats l'estimaient. Outre la présidence du conseil de surveillance de Deutsche Telekom, il siège dans de nombreux conseils. Aujourd'hui, celui du plus gros employeur allemand va pourtant accepter la démission que le doyen des patrons du DAX a été contraint de donner vendredi sous la pression publique, un jour après avoir avoué avoir fraudé le fisc. Un million aurait été soustrait via une fondation au Liechtenstein. Les détails ne sont pas connus. Ceux qui le côtoient pensent que le dossier remonte loin en arrière.DEUX RATESJusqu'à présent, il avait fait un quasi sans faute. À peine bouclé un master of science à l'université de Pensylvanie, il avait hérité de l'entreprise de distribution familiale, revendue après l'avoir restructurée avec un bon pactole qui lui aurait permis de ne jamais travailler. Entré chez McKinsey, il en ressort dix ans après pour redresser le groupe de vente par correspondance Quelle. Quatre ans après, le ministre de la Poste l'appelle pour prendre les rênes de la Deutsche Bundespost, à l'époque une lourde administration. Non seulement il doit en faire une entreprise privée compétitive, mais il doit intégrer les centaines de milliers de postiers est-allemands à l'époque employés parce que le chômage en RDA était banni. En quatre ans, 140.000 personnes sont poussées à la porte avec à peine quelques débrayages. Il pousse l'automatisation à son paroxysme, réduit le nombre de centres de tri. Des 30.000 bureaux de poste à son arrivée, il n'en subsiste que 12.800. 140.000 boîtes aux lettres ont été démontées. En 1994, la société retrouve la voie des bénéfices. Quand il s'attaque ensuite à sa présence à l'étranger après avoir obtenu en 1995 le statut de société anonyme, rares étaient ceux qui croyaient en ses chances de réussite. Dans la perspective de la fin du monopole du courrier, effective en Allemagne depuis le 1er janvier, il avait compris qu'il lui fallait d'autres sources de profits. Mais sa soif d'acquisitions qui l'a fait reprendre plus de 100 entreprises en six ans laissait craindre qu'un jour le château de cartes ne s'écroule.Aujourd'hui, il avoue deux ratés. Depuis son entrée en Bourse en 2000, le cours n'a jamais décollé. Seule consolation : celui de sa filiale Postbank, introduite en 2004, a doublé. Il avait cru surtout pouvoir entamer le monopole de Fedex et UPS aux États-Unis en rachetant DHL. À l'automne, il a admis que le retour à l'équilibre des activités américaines ne serait pas pour 2009. Depuis, il s'activait à trouver une issue. On parlait d'une cession totale à un concurrent, la Poste américaine, voire à Fedex, quitte à signer un contrat de coopération exclusive pour répondre aux besoins de ses grands clients. Les analystes espéraient obtenir les détails de sa nouvelle stratégie américaine lors de la prochaine présentation des comptes annuels prévue le 6 mars. Dans le groupe, on laisse entendre que c'était prématuré. Il appartiendra désormais à son successeur de la programmer.CESSION DE LA POSTBANKAucun doute sur son nom. Depuis longtemps, Klaus Zumwinkel avait fait son choix. La succession avait été préparée de longue date. Frank Appel, actuel patron de la logistique et des activités postales internationales, est le candidat désigné. Hier, de source interne, on laissait entendre qu'il n'était pas sûr que le conseil de surveillance annonce dès aujourd'hui sa nomination. Le gouvernement, qui détient toujours via la KfW 31 % du capital, ne veut pas donner une impression de précipitation. Et pour éviter un deuxième camouflet, il veut entendre l'ancien partenaire de McKinsey pour être sûr de son intégrité. Sa nomination aura lieu au plus tard le 4 mars, lors de la prochaine réunion du conseil de surveillance. Deux priorités figureront en haut de sa liste. D'abord, mener à bien la cession de la Postbank : il ne fait plus aucun doute aujourd'hui que l'établissement sera cédé. Ensuite, trouver une issue pour les activités américaines de Deutsche Post. Klaus Zumwinkel aurait voulu régler lui-même les deux dossiers. Mais ce passionné de haute montagne habitué des défis, cette fois, a dévissé.ParcoursNé le 15 décembre 1943, Klaus Zumwinkel étudie la gestion à Münster puis décroche un MBA à la Wharton Business School de Pensylvannie avant de revenir passer son doctorat en Allemagne. En 1974, il entre chez McKinsey. En 1985, il est recruté par Quelle, dont il prend la présidence deux ans plus tard. Fin 1989, on lui confie les commandes de la Deutsche Post. Il siège au conseil de surveillance de six grands groupes, dont Deutsche Telekom, Allianz et Lufthansa.
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