Émeraude porte l'audace en bandoulière

Quand il a pris la direction de la société en 1999, Yann Bucaille a eu des sueurs froides : alors qu'Émeraude International réalisait 75 % de son chiffre d'affaires en Côte d'Ivoire, le pays a soudain sombré dans une redoutable guerre civile. Pour cette société de négoce en produits chimiques, le coup d'État entraîne de sérieuses menaces économiques. " Je suis d'abord allé voir nos clients, contre l'avis de l'ambassade, qui rapatriait les Français de Côte d'Ivoire, se souvient le jeune entrepreneur (38 ans). Je leur ai demandé de s'engager sur un échéancier pour payer leurs factures en retard et ai enregistré leurs nouvelles commandes pour qu'ils puissent continuer à fonctionner. J'ai pris de très gros risques en misant sur le redressement de la situation, et je ne l'ai pas regretté par la suite. Néanmoins, une fois de retour, je me suis juré de diversifier au plus vite les nationalités de nos clients. Plus question de miser autant sur un seul pays ! " Neuf ans plus tard, Yann Bucaille a atteint son objectif. La Côte d'Ivoire représente moins de 10 % du chiffre d'affaires de la société, présente sur 55 marchés. Car, en diversifiant son portefeuille de clientèle, la PME a aussi multiplié les implantations : elle en compte cinq aujourd'hui, à Paris (où elle a son siège), Dubaï, Chypre, Shanghai et Johannesburg. Seule l'Amérique du Sud n'est pas encore convertie aux plastiques d'Émeraude.Fondée en 1986 par Yves Bucaille, le père de l'actuel PDG, la société a d'abord exercé une activité de négoce en produits chimiques divers. Lorsqu'il a voulu revendre sa société à la fin des années 90, c'est son fils Yann qui a choisi de s'y investir et de la racheter. Formé au management et marin hors pair, le jeune homme (30 ans à l'époque) avait entamé sa carrière professionnelle chez Danone avant de se former au métier de son père.STRATEGIE PAYANTEAvec le coup d'État ivoirien, s'il a connu ses premières insomnies entrepreneuriales, Yann Bucaille a aussi mesuré son audace et sa capacité à gérer le risque. Alors qu'il commence à prospecter dans de nouveaux pays d'Afrique et du Moyen-Orient en 2000, il décide de recentrer son activité sur un seul type de produit, afin de simplifier son développement. Il choisit les polymères, la matière première de nombreux industriels fabriquant des objets et composants en plastique. De différents types, en poudre ou en billes, les PVC et autres PET se transforment au gré des besoins en film, en ustensiles ménagers ou encore en pièces automobiles. Produits par des pétrochimistes et issus de gaz pétroliers, ils sont achetés, conditionnés, revendus et livrés par l'entreprise dans le monde entier.Les atouts de la PME : oser s'implanter dans des pays émergents et politiquement instables comme le Pakistan, le Sri-Lanka, le Nigeria ou le Kenya, et miser sur des clients présentant peu de garanties et de lisibilité. En bref, savoir gérer les risques. " Il faut aller de plus en plus loin pour décrocher de jolis marchés et dégager de bonnes marges ", estime Yann Bucaille. En neuf ans, sa stratégie a déjà bien payé : son chiffre d'affaires est passé de 20 millions d'euros en 1999 à 205 millions l'an dernier, avec 40 salariés.Le prix de l'ambitionCe prix national, créépar la Banque Palatine en partenariat avec " La Tribune " et le soutien du groupe HEC, est destiné à valoriserla réussite et les initiativesdes dirigeants de PME-PMI sur le plan régional, nationalet international. Six jurys régionaux ont distingué des lauréats dans trois catégories - croissance, internationalet reprise - et accordédes " coups de coeur ".Les lauréats de la région Île-de-France-Centre ont reçu leur trophée hier soir à Paris. Un jury national désignerales trois lauréats nationauxdu Prix de l'ambition ainsique le lauréat du Prix spécial du jury. Ils recevront leur trophée, à Paris, le 10 avril.Une équipe multiculturelle" Ici, on fête l'Aïd aussi bienque Noël, explique Yann Bucaille. Une partie de l'équipe est d'origine musulmane. " Pour favoriser son implantation sur les nouveaux marchés, Émeraude a misé surdes recrues de toutes les origines. Et si la langue officielle est l'anglais, 15 langues sont représentées parmi les 40 salariés : espagnol, portugais, arabe, créole, hindi, urdu, etc.Pour constituer son équipe, Yann Bucaille a privilégié la motivation, le dynamisme et l'enthousiasme, quitte à devoir former les recrues. Et il estime aujourd'hui avoirsu s'entourer. " Dès le départ,j'ai recruté un jeune directeur administratif qui m'a permisde me concentrer sur le développement, explique-t-il.À partir du moment où les adjoints assurent leurs missions, un chef d'entreprise peut se recentrersur sa stratégie et mêmeavoir une vie de famille.La France possède un très bon potentiel multiculturel grâceà l'immigration. C'est un atout pour développer l'exportation. "
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