LVMH conclut un chassé-croisé sans précédent entre " La Tribune " et " Les Échos "

C'est un peu comme si, lassés d'être le challenger, les actionnaires de Pepsi rachetaient Coca-Cola avant de revendre à qui veut bien la société répudiée. En achetant Les Échos bénéficiaires, et en vendant La Tribune déficitaire, " la décision a été prise de transformer ce qui est un centre de déficit en un centre de profit ". Bernard Arnault, patron du géant du luxe LVMH et propriétaire du quotidien depuis quatorze ans, justifiait ainsi froidement devant les analystes, en juillet 2007, un chassé-croisé qui le mettait en situation d'organiser la concurrence sur le marché de la presse économique quotidienne payante qui ne compte que deux acteurs. Mais ces opérations de petite taille (les deux groupes de presse touchés ont 500 et 300 salariés) ont eu un retentissement considérable.Les salariés des Échos se sont mis en grève dès le 22 juin, le lendemain de la confirmation que le britannique Pearson avait choisi de les vendre à LVMH. Partageant depuis dix-neuf ans le même actionnaire que le Financial Times, le groupe Les Échos ne voulait pas être racheté par un poids lourd de l'industrie française sur lequel un journal économique est conduit à écrire très souvent. Question de crédibilité.FORTE MOBILISATION DES SALARIESÀ La Tribune, journalistes et salariés se sont mobilisés pour éviter que la revente du quotidien ne soit une façon pour LVMH de sous-traiter à un tiers la fermeture du seul concurrent des Échos. En position de challenger sur un marché en crise, La Tribune était mise en vente nue, sans les autres éléments du groupe (Investir, le Salon des Entrepreneurs, Radio Classique, etc.). LVMH avait même imaginé vendre La Tribune sans sa régie publicitaire...Pétitions, interpellations, les milieux économiques et politiques n'ont pu ignorer que ce qui se tramait était lourd de conséquences pour le pluralisme de la presse. Au final, Bernard Arnault est arrivé à ses fins. Mais dans des conditions hors du commun. Aux Échos rachetés 240 millions d'euros, LVMH s'engage sur l'absence de licenciement économique pendant trois ans et offre aux journalistes, par un dispositif d'administrateurs indépendants, un droit de veto à la nomination du directeur de la rédaction.La Tribune, rachetée 1 euro symbolique par Alain Weill (propriétaire de RMC, BFM, 01.net, etc.), est recapitalisée de plus de 30 millions par LVMH. Le vendeur offre ainsi l'équivalent de trois années de pertes à l'acquéreur. Les salariés de La Tribune, où un plan de départ volontaire par une clause de cession s'ouvre pour huit mois, ont obtenu de LVMH une prime de 5.000 euros par personne en compensation de leur précarisation. Les salariés des Échos ont négocié avec Pearson une prime semblable de 1.000 euros. Les autorités de la concurrence viennent finalement de donner leur feu vert à cet étrange troc.
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