Thiers, le petit grand homme

Il fallait oser. S'intéresser à Thiers, tristement resté dans les mémoires comme le fossoyeur de la Commune, n'était pas évident. Et, de fait, la dernière biographie consacrée à " Foutriquet " remonte à vingt ans. On est loin des travaux quasi annuels consacrés à Napoléon ou Marie-Antoinette. Il faut dire que le personnage a de quoi déconcerter. Il n'en fallait pas plus à Georges Valance, amoureux de l'histoire de France, des Français et du franc (on se souvient de son livre référence sur l'histoire du franc), pour se lancer sur les traces de ce petit homme difficile à cerner.Pour mieux comprendre le profil de ce ténébreux personnage, Georges Valance parcourt d'abord avec minutie son enfance. Élevé par sa mère et sa grand-mère après que son père (un escroc qui lui quémandera plus tard de l'argent) l'eut abandonné, Thiers est un enfant pauvre. Pauvreté dont il aura, toute sa vie durant une sainte peur : " Thiers n'aimait pas le peuple et détestait les pauvres parce que, devenu riche, il avait peur d'eux et que parvenu, ils lui rappelaient ce qu'il aurait pu, ce qu'il aurait dû devenir " , avertit ainsi l'auteur. Monté à Paris à l'âge de 24 ans (il est né en 1797 et mourra quatre-vingts ans plus tard), il grille les étapes, devenant tour à tour avocat, journaliste, historien, ministre, chef du gouvernement et, enfin, président de la République.AMBITION DEVORANTEC'est dire si l'homme avait une ambition démesurée. Qui l'inspirera au moment de la chute de la Restauration, en participant activement à la révolution de Juillet. L'amour de la politique ne le quittera plus. Et du pouvoir non plus. Personnage balzacien par excellence (on dira souvent que Rastignac n'était rien d'autre qu'un clone de l'homme d'État), il sera largement à l'origine de l'accession de Louis Napoléon Bonaparte au pouvoir qu' " il avait pris pour un crétin facile à manoeuvrer ". Au moment de la débâcle de 1870, c'est pourtant lui qui se bat avec le chancelier prussien Bismarck pour sauver la France de la déroute financière et conserver Belfort. " Thiers, c'est l'homme d'État qui, comprenant qu'une restauration monarchique diviserait le pays, consacre ses dernières batailles politiques à l'instauration d'une République durable ", résume l'auteur. Les contemporains de Thiers auraient-ils mieux discerné les multiples facettes de ce petit homme obscur ? Lors de ses obsèques, un million de personnes accompagnent le cortège en scandant " vive la République ! "." Thiers, bourgeois et révolutionnaire " , par Georges Valance. Flammarion, 26 euros.
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