Un impact économique incertain sur l'activité

L'objectif du jour férié travaillé, qui est de ne pas alourdir le niveau des prélèvements supporté par l'économie française, sera-t-il atteint ? Rien n'est moins sûr. Certes, sur le papier, le dispositif fonctionne parfaitement. Avec un PIB estimé à 1.698 milliards d'euros pour 2005, la France peut espérer, avec ses 217 jours ouvrés, une production supplémentaire de 7,8 milliards d'euros, soit 0,46 %. La loi sur la "journée de solidarité" porte en effet de 1.600 à 1.607 heures la durée légale annuelle du travail en France, et de 217 à 218 jours celle des cadres au forfait. Une première, depuis 1936, jugée "formidable !" par Ernest-Antoine Seillière à l'automne 2003. A l'époque, une analyse un peu optimiste laissait espérer que la production supplémentaire générerait à elle seule les recettes nécessaires au financement de la dépendance. Hélas, cette victoire n'a duré qu'un instant car le Medef a pris conscience que cette journée chômée déjà payée ne sera pas gratuite pour les entreprises.Depuis le 1er juillet 2004, celles-ci se sont vu imposer une cotisation supplémentaire de 0,3 % assise sur la masse salariale. Pourquoi 0,3 % seulement alors que le gouvernement aurait pu fixer le taux à 0,46 % ? C'est là qu'apparaît toute l'ambiguïté du dispositif : la demande supplémentaire adressée aux entreprises reste très incertaine. La faiblesse actuelle de la croissance a même conduit nombre d'entre elles à redonner à leurs salariés ce jour de "solidarité". A défaut d'une augmenta- tion certaine de leur chiffre d'affaires, la hausse bien réelle des cotisations des employeurs pourrait donc entraîner une hausse du coût du travail, que les entreprises seront tentées de neutraliser en pesant sur l'emploi. C'est ce risque qui avait conduit le gouvernement à fixer un taux de cotisation plus bas que l'augmentation théorique de la production, et à élargir l'assiette du prélèvement aux revenus du capital.En fait, la richesse supplémentaire escomptée augmentera bien moins qu'on ne le pense. Pire : si jamais, du fait de la grande pagaille annoncée ce lundi, le bonus d'activité se révélait moindre que les cotisations nouvelles prélevées (2 milliards d'euros), l'expérience pourrait conduire à l'inverse de l'effet recherché, c'est-à-dire à une augmentation du taux des prélèvements obligatoires. Un gâchis, alors que l'occasion était belle, pourtant, de profiter de ce débat pour réfléchir sur l'assiette des prélèvements sociaux. Pour financer l'explosion inévitable des dépenses liées au vieillissement, deux options sont en concurrence : celle de la CSG et celle des cotisations employeurs. La première pèse sur tous les revenus, mais n'alourdit pas directement le coût du travail. La seconde risque de conduire à un surcroît de chômage. Or, depuis 2002, la CSG a déjà été relevée d'un point sur les revenus du capital (0,3 % pour la dépendance et 0,7 % pour l'assurance-maladie) et son assiette sur les salaires a été portée de 95 % à 97 %.Charges alourdies. Les entreprises, outre la contribution de solidarité de 0,3 %, ont vu s'alourdir diverses charges, dont les cotisations chômage, en 2003, en attendant les cotisations retraite l'an prochain. Le "dogme" de la non-hausse des prélèvements obligatoires est donc déjà ébréché, mais les grands choix sur la sécurisation du financement de notre modèle social sont, eux, laissés à l'avenir. Faudra-t-il supprimer d'autres jours fériés ? Allonger la durée du travail ? Le vrai mérite du lundi de Pentecôte 2005 est de nous rappeler qu'il faudra travailler plus pour conserver notre système social. A condition bien sûr qu'il y ait du travail.Philippe Mabille
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