Une partie délicate pour Villepin

Même s'il laisse Thierry Breton monter en première ligne, la décision prise hier par Dominique de Villepin de lancer la mise en Bourse d'EDF est courageuse. Après avoir tangué pendant l'affaire de la SNCM, le Premier ministre joue gros sur ce dossier qui remobilise la gauche et les syndicats autour de la défense des services publics. Certes, depuis le vote de la loi sur le changement de statut des industries électriques et gazières, en août 2004, les esprits ont eu le temps de se préparer à l'idée d'une ouverture du capital d'EDF. La cotation, depuis début juillet, de Gaz de France, a servi de test, sans pour autant dissiper tous les malentendus, comme le montre la polémique actuelle sur la flambée des tarifs du gaz.Cette question des tarifs a été au coeur des discussions du week-end entre le gouvernement et les dirigeants de l'entreprise publique qui ont promis que l'évolution du prix de l'électricité pour les particuliers ne sera pas supérieure à l'inflation pendant cinq ans. Mais c'est surtout autour des engagements de service public que s'est cristallisé le bras de fer avec l'entreprise. Dominique de Villepin en avait fait, avec le développement des investissements, la condition préalable à l'ouverture du capital, préparée patiemment depuis 2002.Le Premier ministre, qui s'en expliquera jeudi au cours d'un point de presse consacré à la défense des services publics, devra convaincre l'opinion que la mise en Bourse d'EDF n'a pas de motivation idéologique. De ce point de vue, l'amplification du plan d'investissement d'EDF sert de justification à une augmentation de capital jusqu'ici contestée par la CGT Énergie, pour qui le redressement des résultats financiers de l'entreprise suffisait à augmenter les fonds propres. Ce n'est pas le point de vue de l'État et des dirigeants d'EDF, pour qui le rétablissement du bilan de l'entreprise est indispensable pour mener une stratégie énergétique ambitieuse.Les réactions politiques à la décision de Dominique de Villepin ont été sans surprise : le premier secrétaire du PS, François Hollande, dénonce "une faute économique et une faute politique". Autre opposant, dans les rangs de la majorité, le président de l'UDF, François Bayrou estime que la mise en Bourse d'EDF "comporte beaucoup de risques et de menaces" car elle est "génératrice de conflit entre les actionnaires qui penseront aux bénéfices et au niveau de l'action et à l'Etat qui pensera au meilleur prix de l'électricité".Participation du personnel. Alors que les règles européennes de la concurrence interdisent à l'État de recapitaliser EDF, il n'est pas interdit de penser que le pragmatisme l'emportera. Le meilleur test sera la participation du personnel de l'entreprise à l'opération de placement : l'État lui propose de souscrire à hauteur de 1 milliard d'euros environ dans des conditions très avantageuses. Un personnel public au statut inchangé et aux retraites garanties, actionnaire de l'une des entreprises les plus profitables de France ; un État qui conserve plus de 85 % du capital au nom de l'indépendance énergétique : la paix sociale à EDF était à ce prix. Le risque pris par Dominique de Villepin n'est donc peut-être pas aussi grand qu'on le dit.Philippe Mabille
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