Villepin a fracturé sa majorité

Un gouvernement dont l'action est paralysée depuis deux mois, des ministres tétanisés, une majorité divisée entre villepinistes et sarkozystes, partisans du maintien ou adeptes de la suspension... L'incendie allumé par l'affaire du CPE est en train de mettre le feu à l'UMP, entraînant une accélération du calendrier de la présidentielle.Deux camps s'affrontent. Les chiraquiens jouent la carte de la fermeté. Ils soutiennent le Premier ministre, en faisant le pari que la révolte des jeunes va se calmer avec les vacances scolaires et que l'opinion peut encore se retourner, à la condition de proposer des "aménagements" sur les deux points sensibles, la durée de la période d'essai et la motivation du licenciement. Ils plaident pour la promulgation de la loi par Jacques Chirac dès ce matin. Pour Dominique de Villepin, qui a mis sa démission dans la balance, l'enjeu est double : faire un "hold-up" sur le thème de la rupture, cher à Nicolas Sarkozy, et se construire une image d'homme d'État, en apparaissant comme le Premier ministre qui aura réussi à imposer ses réformes.Une stratégie risquée. Cette stratégie est plutôt validée par les enquêtes d'opinion auprès de l'électorat de droite, qui réclame à la fois le respect de l'autorité de l'État et des institutions républicaines, c'est à dire le maintien du CPE maintenant que la loi est votée, et une négociation sur ses modalités d'application. Mais elle est risquée, dans la mesure où la crise actuelle est un révélateur de tensions sociales très profondes et peut dégénérer dans la violence en dressant deux France l'une contre l'autre : les "in" et les "out", les "précaires" et les "insérés", avec en arrière-plan le malaise de la jeunesse et la crise des banlieues.Avec la promulgation probable aujourd'hui de la loi sur l'égalité des chances, Jacques Chirac va donc ouvrir une deuxième phase dont l'issue reste imprévisible. Les syndicats ont prévenu qu'un passage en force ne ferait qu'attiser l'incendie social. La grande majorité de l'UMP doute du succès de cette stratégie et accuse Dominique de Villepin de jouer avec le feu. Au-delà des risques sociaux, les députés craignent surtout pour leur réélection l'an prochain. La crise remet en effet en selle le Parti socialiste qui pourrait, à condition de proposer un projet de gouvernement crédible, profiter de la reconstitution du clivage droite-gauche et du rejet massif de la précarité par la population française.La situation de Nicolas Sarkozy, quant à elle, est devenue très complexe, la question de son maintien au gouvernement étant ouverte. En appelant au compromis, le numéro deux a donné l'impression de lâcher le numéro un en pleine bataille, pour faire basculer de son côté la majorité. Le président de l'UMP, qui s'est posé en arbitre de la crise, est aussi sorti de son rôle, cette fonction étant normalement dévolue au président de la République. En choisissant, comme on lui en prête l'intention, de confirmer le CPE tout en appelant à un Grenelle de l'emploi des jeunes, Jacques Chirac refuse pour l'instant de trancher entre les deux hommes et se ménage encore toutes les portes de sortie. Mais en se doublant d'une crise politique, la crise du CPE donne un avant-goût des tensions qui vont miner la fin du quinquennat.Philippe Mabille
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