Un double challenge pour la BCE

La tension sur les rendements longs va singulièrement compliquer la tâche de la Banque centrale européenne, car elle intervient en phase de reprise de l'euro, remonté à ses plus hauts niveaux depuis septembre face au dollar, à plus de 1,2450 hier, ce qui constitue un durcissement monétaire de fait. La nécessaire poursuite de la normalisation d'une politique monétaire encore accommodante impliquera un pilotage particulièrement fin, destiné à accompagner la reprise qui se confirme jour après jour dans la zone euro, mais qui reste fragile compte tenu d'un environnement extérieur défavorable, sans prendre le risque de l'étouffer.Car, avec la fin de vingt-neuf mois de gel de son taux directeur à un plancher de l'histoire monétaire moderne de 2 %, les deux durcissements opérés en décembre et en mars, portant le "refi" à 2,50 %, ont tout juste ramené les taux d'intérêt réels en territoire positif. L'inflation de la zone euro persiste à se maintenir au-dessus de la ligne jaune de 2 % en glissement annuel fixé par la BCE, à 2,2 % en mars, après avoir poussé une pointe à 2,4 % en janvier. Une nouvelle fermeture du robinet monétaire semble inscrite dans le calendrier à l'issue du conseil des gouverneurs de la BCE du 8 juin, Jean-Claude Trichet ayant au début du mois définitivement douché des anticipations de durcissement monétaire dès le mois de mai qui s'étaient incrustées dans le marché. Le conseil du 8 juin sera décentralisé à Madrid où les risques de surchauffe économique sont les plus sérieux de la zone euro. À cette date, la BCE disposera des nouvelles prévisions de croissance et d'inflation de ses services spécialisés et elle saura alors si les robustes indices de confiance récemment publiés, notamment l'IFO allemand, se sont traduits par une croissance plus dynamique au premier trimestre.Au-delà, les interrogations portent plus sur une éventuelle accélération du processus de durcissement que sur sa prolongation. Pas plus tard que mardi, le vice-président de l'institut d'émission de Francfort, Lucas Papademos, a employé un pluriel très révélateur indiquant que "de nouvelles hausses des taux seront nécessaires dans le courant de l'année pour assurer la stabilité des prix". Les économistes penchent majoritairement pour un quatrième tour de vis le 31 août, qui porterait le "refi" à 3 %. Après cette échéance, ils sont nettement plus divisés, la moyenne des stratèges taux pronostiquant un pic du cycle à 3,25 % en mars prochain.Endettement des ménages. Car il n'y a pas que l'inflation affichée, partie visible de l'iceberg, qui préoccupe la BCE. La base monétaire de la zone euro continue à progresser de façon tout à fait excessive pour la banque centrale. Outre les incessants débordements de l'agrégat de référence de croissance de la masse monétaire M3, qui a bondi de 8 % en glissement annuel en février, alors qu'elle lui assigne une valeur de référence de 4,5 %, les crédits au secteur privé, notamment les prêts hypothécaires, connaissent une croissance explosive, de plus de 10 %. S'il faut régler le moteur, la BCE sait aussi que l'endettement des ménages a pris le relais des revenus et des investissements des entreprises dans le soutien de la croissance dans la zone euro. On mesure ainsi l'ampleur des défis auxquels la BCE est confrontée.Isabelle Croizard
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