La météo boursière incite à la prudence

Les gardiens de l'euro ne peuvent faire fi de la météo perturbée sur les marchés financiers dans leur prise de décision. Ce d'autant plus que la communauté financière internationale est, depuis un mois, à feu et à sang précisément... en raison du changement de l'environnement monétaire mondial.Des craintes qui vont bien au-delà de l'angoisse, classique, étreignant les gérants d'un portefeuille - ou d'un stock de lingots - à l'idée de voir leurs placements perdre de leur lustre face à des taux d'intérêt plus rémunérateurs. Soudain, les investisseurs voient se tarir la mousson de dollars - et de yens - fertilisant depuis des années tout ce qui ressemblait à un marché, de la Bourse de Bogota aux cathodes de cuivre s'échangeant sur le London Metal Exchange.La vague de sécheresse est venue du Japon et la décision de sa banque centrale, le 9 mars, de faire taire l'artillerie antidéflation mise en oeuvre cinq ans durant. "Depuis, les liquidités nipponnes - et donc mondiales - n'ont de cesse de se contracter, note Sean Darby, stratège de la maison de courtage Nomura à Hong Kong, en mai, la base monétaire japonaise était ainsi inférieure de 15 % à celle observée un an plus tôt." Nouvelle ère. L'internationale de la spéculation voit s'évanouir le réservoir de capitaux dans lequel elle pouvait puiser à des taux ridiculement bas. "Ces inquiétudes au sujet d'un assèchement des liquidités sont toujours en vogue en début de cycle de hausse des taux, on l'a bien vu aux États-Unis il y a deux ans, essaie de tempérer Takehiro Sato, économiste chez Morgan Stanley à Tokyo, les investisseurs vont s'y habituer."Pas sûr. Car, deux mois plus tard, le 8 mai, nouvelle alerte à la séche- resse, en provenance de Washington. Cette fois, c'est Ben Bernanke qui, tirant la sonnette d'alarme sur l'inflation, laisse entendre que l'ère de l'argent facile est enterrée. Il y a trois jours, les propos du successeur de Alan Greenspan - qui éprouve en plus quelques difficultés à trouver le ton juste - à ce sujet ont de nouveau ébranlé les marchés. Résultat, l'ensemble de la planète finance passe en mode "sécurité". Les marchés émergents plongent de 17 %, la Bourse de New York cédant de son côté 5 %.Seuls les marchés obligataires semblent bénéficier, indirectement, de ce durcissement monétaire au niveau mondial. En zone euro, les taux longs qui étaient remontés pour atteindre 4,08 % le 12 mai, ont profité du report des capitaux vers les actifs sans risque pour repasser sous la barre des 4 %. Et si ces derniers revenaient hier au-dessus de ce seuil, la "fuite vers la qualité" devrait continuer à exercer une importante force de rappel.Théoriquement, la menace d'une hausse des taux longs ne devrait donc pas peser sur le sentiment des marchés boursiers, ce que le président de la Réserve fédérale s'est d'ailleurs évertué à répéter lundi. Il n'empêche. Soudain, les financiers ont le sentiment d'être entrés dans une nouvelle ère monétaire. Une conviction qui pourrait bien se transformer en prophétie autoréalisatrice en cas de relèvement trop agressif des taux dans la zone euro.Sophie Rolland et Pierre-Alexandre Sallie
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