Le bras de fer de Jacques Gounon

En se mettant en situation de recourir à la nouvelle procédure française de sauvegarde, le PDG d'Eurotunnel, Jacques Gounon, a brandi mardi soir une sérieuse menace. Le président du conseil d'administration d'une entreprise en difficulté dispose en effet de cette nouvelle arme entre ses mains.Réunie ce matin en audience, la chambre de sauvegarde du tribunal de commerce de Paris peut, faute d'un accord sur la dette, examiner cette requête en comparution immédiate d'après un proche du dossier. Pour ce faire, la présence du dirigeant de la société, des représentants des salariées, du parquet et du greffe du tribunal est nécessaire. Depuis le 1er janvier 2006, date d'entrée en vigueur de la loi de sauvegarde des entreprises, le tribunal de commerce de Paris a été saisi d'une dizaine de demandes. Et une seule d'entre elles a donné lieu à l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.Suspension des poursuites. Calquée en partie sur le " chapitre 11 " américain, ce nouveau dispositif permet à un dirigeant de saisir la justice commerciale avant que son entreprise ne soit en état de cessation de paiements. Il revient ensuite au tribunal, par un jugement, d'ouvrir ou non une procédure de sauvegarde. Cette ouverture entraîne la suspension des poursuites des créanciers. Selon un praticien du droit des faillites, le tribunal de commerce de Paris s'est toujours donné un peu de temps avant de rendre un tel jugement. Car l'urgence n'est pas la même que pour un redressement ou une liquidation judiciaire.Dans un premier temps, le tribunal du commerce va regarder de près la situation de l'entreprise en difficulté. Selon le Code du commerce, la société doit connaître des difficultés avec " un risque prochain de cessation des paiements mais non encore avéré ". Si tel est le cas, le tribunal de commerce pourrait, dans les prochains jours, rendre un jugement d'ouverture désignant le ou les mandataires de justice qui épauleront le dirigeant et le ou les juges commissaires chargés de veiller au bon suivi de la procédure.D'après la loi, dans le cas d'Eurotunnel, deux comités seront mis en place. L'un regroupe les principaux créanciers (pour l'essentiel, les établissements de crédit) et l'autre, les principaux fournisseurs d'Eurotunnel SA (soit détenant au minimum 5 % des créances). Des règles strictes de navette sont prévues entre les deux comités. De leur côté, les créanciers publics (administrations financières, organismes de sécurité sociale, ...) seraient tenus de procéder à des remises de dette similaires à " un opérateur économique privé placé dans la même situation ".Perdre l'initiative. Quant aux obligataires, il ne serait pas membre de droit de l'un des deux comités, explique un juge consulaire au regard de la législation. Ils seront toutefois très certainement reçus par le tribunal de commerce pour entendre leur avis.Si les différentes parties n'aboutissent pas à un accord, la procédure prend alors une tout autre tournure. " Dans ce cas-là, le tribunal de commerce reprend en mains le dossier et pourra utiliser des procédures techniques équivalentes à celles prévues pour le redressement judiciaire ", indique un praticien du droit. Le dirigeant de l'entreprise en difficulté pourrait ainsi perdre l'initiative et le pilotage de la procédure de sauvegarde. " Malgré la création des deux comités, l'émergence d'un accord global pourrait se faire et mettrait ainsi fin à la procédure de sauvegarde ", estime un avocat. Le dossier juridiciaire peut donc n'en être qu'à ses prémices.
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