Les Européens sommés d'agir

L'évidence n'implique pas l'urgence. Face au dynamisme exubérant des groupes américains, les industriels européens de l'aéronautique et du militaire, comme les Français du secteur, ont bien conscience de la nécessaire restructuration sur le Vieux Continent. D'ailleurs, les réflexions ne manquent pas. Sur le changement de statut d'Airbus par exemple, pour transformer le GIE en une véritable entreprise, avec ses usines et ses bureaux d'études avant l'an 2000, et en perspective une cotation en Bourse. Mais entre les quatre partenaires - français, espagnol, allemand et britannique -, les désaccords sont nombreux, depuis le calendrier jusqu'aux modalités, en passant par le valorisation des actifs à intégrer dans la future société Airbus. Face à Boeing-McDonnell Douglas, on attend aussi, côté français, qu'Aerospatiale, spécialiste tricolore des avions civils, se marie à Dassault, champion hexagonal des avions de combat, avant que cet ensemble s'allie à ses partenaires Dasa et British Aerospace. Mais les lenteurs de Paris, encore alourdies par les aléas de la vie politique, irritent Allemands et Britanniques qui menacent de bouder les Français. Lourdeur. On note encore ce type de lourdeur dans les satellites et les missiles. Aerospatiale, firme publique française, devait épouser son vieux partenaire allemand Dasa. Après deux ans de discussions, l'opération a achoppé : Dasa a préféré épouser Matra (groupe Lagardère) dans ces deux métiers, estimant que ce dernier était mieux placé pour la reprise de Thomson-CSF, alors en voie de privatisation par le gouvernement Juppé. Dans l'électronique de défense, face à l'émergence du géant Lockheed Martin-Northrop Grumman, la privatisation de Thomson-CSF reste pour l'heure en suspens. Cela complique singulièrement les réorganisations au niveau européen : alors que le groupe public français est déjà lié au britannique GEC (dans les sonars et les radars), il suscite en France les convoitises adverses d'Alcatel-Alsthom, allié à Dassault et de Matra Défense Espace, pendant que Dasa souhaite aussi participer à l'opération. Aujourd'hui, c'est la vente des activités d'électronique de défense de l'allemand Siemens (2 milliards de francs de chiffre d'affaires), qui voit s'affronter les Européens : Dasa favori, Thomson-CSF, Alcatel, GEC, voire British Aerospace. L'union sacrée entre firmes du Vieux Continent n'est décidément pas en voie d'être réalisée. On le constate encore dans l'armement terrestre - avec quelle firme Giat Industrie va-t-elle se marier ? - ou dans le naval (même interrogation pour la Direction des constructions navales tricolore, déjà liée à l'espagnol Bazan). Olivier Provost
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