La création d'emplois, clé de la relance des dépenses

L'emploi d'aujourd'hui fait la confiance de demain et la consommation d'après-demain. Ce théorème, le sociologue Denis Stoclet l'a mis en évidence en 1992 et n'a cessé de le vérifier depuis. Il s'est parfaitement appliqué durant l'amorce de reprise en 1994. Mais il s'applique aussi aujourd'hui dans sa version négative : la remontée du chômage fait perdre confiance aux ménages, qui freinent brutalement leurs achats. Jusqu'où ? Et comment sortir de cette spirale infernale ? Denis Stoclet ne voit qu'une issue : « Il est clair que la création volontariste d'emplois est la première clé d'un redémarrage de la consommation. Il semble certain aussi que tout emploi créé a un effet sur la consommation globale, qui va bien au delà du pouvoir d'achat distribué. » Les deux graphiques ci-dessus illustrent un inquiétant diagnostic : la consommation est en panne et une aggravation de la tendance est à redouter. Le premier graphique montre comment l'évolution du chômage (ici inversée) se traduit dans l'opinion des ménages. La corrélation entre les deux courbes est très étroite. Elles ne divergent que dans une situation exceptionnelle : le bref « état de grâce » post-électoral du printemps 1995, pendant lequel les Français « oublient » que la diminution du chômage ralentit. Mais cette occultation n'a qu'un temps. Dès l'été, la courbe de la confiance et celle du chômage reprennent leur dégradation parallèle. Le risque est que ce phénomène s'aggrave lorsque, fin janvier, le ministère du Travail publiera le chiffre du chômage fin décembre, indiquant probablement que le seuil des 3 millions de chômeurs est franchi. C'est pourquoi le deuxième graphique donne le vertige. Il montre l'étroit parallélisme entre l'opinion des ménages sur le chômage et l'évolution de leur consommation. Si cette corrélation ne se dément pas, il y a peu de chances que les Français retrouvent le chemin des magasins. Le risque est plutôt de les voir épargner toujours plus à mesure que leur inquiétude du chômage s'aggrave. Une inquiétude accrue, souligne Denis Stoclet, par l'activation d'une inquiétude rampante des ménages à propos de leurs retraites. Dans ces conditions, note-t-il, « il est illusoire de penser que les mesures récentes en faveur d'une désépargne des ménages puissent avoir plus d'effets que les mesures similaires prises en 1993 par le gouvernement Balladur ». Dans ce cadre, Denis Stoclet table sur une croissance de la consommation de 1,5 % seulement en 1996. Un taux qu'il énonce comme « optimiste », bien qu'il se rapproche sérieusement du taux exceptionnellement bas - environ 1 % - enregistré durant la récession de 1993. Le sociologue suggère, pour éviter le pire, que l'Etat recourt à la création volontariste d'emplois, notamment grâce à une politique de grands travaux. Et, afin de prévenir les critiques contre le dérapage des déficits publics qu'une telle option pourrait entraîner, Denis Stoclet a poussé plus loin ses recherches. Il a calculé que, si la création de 100.000 emplois coûterait environ 12 milliards à l'Etat, charges comprises, les effets bénéfiques directs et indirects seraient à la hauteur de la mise. Les nouveaux employés consommeraient 3,7 milliards de plus. Mais surtout, l'effet psychologique de la baisse du chômage sur les autres consommateurs multiplierait cette somme par 3,5, la consommation totale induite atteignant près de 13 milliards. Quant à l'Etat, il récupérerait près de 11 milliards - sa dépense initiale à 1 milliard près : moindres indemnités de chômage, surcroît de cotisations sociales, d'impôts, de TVA et taxes diverses. « L'Etat, s'interroge-t-il, ne serait-il pas capable de dépenser 5 milliards pour créer 500.000 emplois et créer le choc psychologique qui s'impose ? ». Jean-François Couvrat
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