Ou comment la gauche a réhabilité l'argent...

LA PREMIÈRE accusation qui frappe un socialiste, c'est qu'il ne va pas savoir gérer, qu'il va mettre le franc par terre car le franc, ce n'est pas son fort... » Ainsi s'exprimait François Mitterrand le 6 janvier 1995, lors de la présentation de ses voeux à la presse, pendant laquelle il s'était longuement attardé sur ses choix économiques. Personne ne croyait, en 1981, que sous une présidence socialiste on parviendrait à restaurer la crédibilité du franc, à faciliter la circulation des capitaux et le décloisonnement des marchés financiers, à réconcilier une partie « du peuple de gauche » avec le monde de l'entreprise, et à sacraliser les vertus de l'argent. Pourtant, c'est sans doute dans les domaines monétaire et financier que l'ère Mitterrand laissera un héritage durable, salué par la communauté internationale. Même si cette vague libérale a été entachée d'affaires politico-financières qui fleuraient bon la IIIe République. Le franc retrouve une crédibilité internationale Hier, Michel Camdessus, le directeur général du FMI, en rendant hommage à François Mitterrand, a salué « son combat pour le renforcement de l'économie française et du franc face aux défis de la fin de ce siècle ». Car, depuis le grand virage de mars 1983, avec le choix d'une politique économique de rigueur et le maintien du franc dans le SME , le cap a été maintenu pour hisser la devise nationale au rang des monnaies fortes. Pierre Bérégovoy a bien sûr été l'artisan de cette politique et son défenseur dans les différents postes ministériels qu'il a occupé au sein du gouvernement. La stabilité de la monnaie devient en peu de temps un credo incontournable, même au prix de taux d'intérêt élevés lorsqu'il faut défendre la parité du franc face au mark. Ce qui fait dire aux détracteurs du franc fort que cette politique est responsable de l'accroissement du chômage et des iné- galités sociales. Si, de retour au pouvoir en 1986, la droite se laisse tenter par les « bienfaits » de deux dévaluations (avril 1986 et janvier 1987), elle reprend vite le flambeau de la stabilité monétaire. A tel point que, depuis neuf ans et malgré trois crises monétaires vécues sous des régimes politiques différents, le franc n'a subi aucune dévaluation. Accusée d'être livrée pieds et poings liés à la politique de la Bundesbank, la Banque de France n'en a pas moins réussi à abaisser son taux d'appel d'offres à 4,45 % et son taux de prise en pension à 5,85 %, alors que le franc est revenu dans son ancienne marge de fluctuation face au mark, à 3,43. La Bourse se modernise Autre acquis de l'ère Mitterrand : la modernisation du marché financier. Trois ans après l'arrivée des socialistes au pouvoir, le marché financier français avait pris un sacré coup de vieux, comparé à ses homologues anglo-saxons. Le financement de l'économie vit à l'abri d'un extrême cloisonnement du marché des capitaux, d'une hyper-réglementation bourrée d'interdits, et d'une structure de marchés peu adaptée aux transactions internationales. A partir de 1984, de grandes réformes sont engagées. Le marché des capitaux subit de grandes transformations. Avec la création des certificats de dépôt, les billets de trésorerie, les banques et les entreprises peuvent lever des fonds directement pour se refinancer. En février 1986, la place de Paris se dote d'un marché à terme des instruments financiers, le Matif, pour se couvrir contre les risques de taux. La fin de l'encadrement du crédit est décidée, tandis que l'Etat abandonne progressivement les prêts bonifiés. En septembre 1987, le Monep, marché d'options sur actions, indices et taux d'intérêt est ouvert. Quelques mois plus tard, le 22 janvier 1988, la réforme de la Bourse est promulguée. Elle met fin au monopole des agents de change et ouvre le capital des sociétés de Bourse à de nouveaux partenaires. Les Français retrouvent le goût des placements Parallèlement, l'Etat modernise la gestion de sa dette. A partir de 1985, la direction du Trésor met en place le système d'adjudications mensuelles d'obligations assimilables, qui permet d'alimenter régulièrement et sans à-coups le marché des fonds d'Etat. Et, pour animer le marché des instruments de la dette de l'Etat, on crée un an plus tard les spécialistes en valeurs du Trésor. Autant d'initiatives qui font sortir le marché français de sa torpeur en attirant davantage d'investisseurs étrangers à la Bourse comme sur les obligations d'Etat. Sous la présidence de François Mitterrand, les efforts ont aussi été multipliés pour inciter les Français à épargner grâce à de fortes rémunérations ou à des avantages fiscaux. C'est ainsi que le Livret d'épargne populaire a vu le jour, tout comme les Sicav, les fonds communs de placement, et les produits à long terme comme le Plan d'épargne populaire et le Plan d'épargne en actions. Les Français accueillent très favorablement ces nouveaux instruments d'épargne (à l'exception du LEP), qui leur donnent sans doute pour longtemps le goût des placements sans risques et rémunérateurs. DOMINIQUE MARIETTE
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